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Les syndics présentèrent ce qu’on appelait leurs réquisitions dans un sens tout à fait contraire au nouveau tarif. Ce fut le baron de Fisson qui porta la parole. « Il y a vingt-sept ans, dit-il, qu’on imprime et qu’on raisonne sur le tarif. À l’exception de quelques mémoires particuliers qui nous ont été donnés par quelques maîtres de forges et d’usines à fer, toutes les réponses faites à la commission intermédiaire ont été contraires, et, si l’on excepte un très petit nombre de fabricans, tous ont fait des vœux pour qu’il fût rejeté. »

Les syndics résumaient en ces termes les principales raisons invoquées : « Nos grains, qui sont la principale de nos exportations, conviennent rarement à un pays aussi fertile que la France, et nous les voyons tomber de valeur quand il ne nous est pas permis de les vendre hors du royaume ; c’est le Luxembourg, c’est la Suisse, par les débouchés de la Franche-Comté et de l’Alsace, qui nous débarrassent de ce que nous avons de superflu dans notre production. La Suisse se charge aussi de nos huiles de navette. Nos vins sont trop médiocres pour supporter la concurrence des vins de France. Notre commerce étranger semble fondé sur les indications mêmes de la nature. Les rivières qui prennent leur source dans cette province ne touchent à la France par aucun point et ne deviennent navigables qu’en s’avançant vers l’étranger. Le reculement des barrières, en interrompant nos communications avec l’étranger, nous donnerait, il est vrai, une liberté entière de commerce avec la France ; mais il est facile de connaître que nous aurions, à quelques nuances près, la même liberté, si on nous maintenait dans notre état actuel. Tous les produits des manufactures françaises nous parviennent actuellement en franchise absolue. Jetons un coup d’œil sur la Suisse : elle n’a pas de barrières, et elle est renommée par ses manufactures. Il en est de même des cercles de l’empire et des villes anséatiques. Sous ce régime favorable, il s’en élève tous les jours de nouvelles parmi nous, tandis que la Bourgogne, qui a reçu le tarif de 1664, et la Franche-Comté celui de 1667, n’en ont presque point. Nos manufactures de coton prospèrent par la liberté de notre commerce. Un de leurs avantages est de tirer les cotons de la Turquie et du Levant, qui ne leur arriveraient, d’après le tarif, que chargés de droits considérables. Il s’en forme tous les jours de nouvelles, les fabriques se répandent même dans les campagnes. La petite ville de Sainte-Marie-aux-Mines, à l’extrémité de la province, a plus que doublé sa fabrication depuis le faible espace de dix à douze années. La comparaison du progrès de ces fabriques avec l’état de langueur des fabriques champenoises ne laisse aucun doute que la liberté qu’auraient nos manufactures de verser en France ne compenserait pas la perte des autres privilèges dont elles jouissent dans leur état