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MYRTO.

Elle aura pu prendre sur la gauche, dans les vignes ?

BACTIS.

Non, il y a là des arbres abattus qui empêchent de passer.

MYRTO.

Mais… le long du ruisseau ?

BACTIS.

Les bœufs, en allant boire, ont piétiné tout le rivage, il n’y a plus trace de sentier.

MYRTO.

Il faut donc l’attendre ici ? Je l’attendrai. Ne portes-tu pas cette gerbe à la maison ?

BACTIS.

La nuit descend. N’auras-tu pas quelque frayeur de rester seule ?

MYRTO.

Si j’ai peur, j’invoquerai cette déesse.

BACTIS.

Mais… si elle est déjà partie ?

MYRTO.

Tu disais qu’elle ne pouvait sortir que par cette porte ?

BACTIS.

Myrto !… laisse-moi rester près de toi…

MYRTO.

Tu aimes donc la société de l’ennemi ? Ignores-tu que je te hais ?

BACTIS, cueillant une branche.

Tiens, frappe-moi si c’est ton plaisir ; mais ne me dis pas de te quitter.

MYRTO.

Bactis, mon cher Bactis !… Mais, non ! je suis menteuse, je suis cruelle ! j’aime à faire souffrir, j’ai la perfidie de Circé et la flatterie des sirènes. Fuis-moi, Bactis, je suis la plus funeste des créatures !

BACTIS, à genoux.

Myrto !… rêve de mes nuits, aiguillon de ma douleur, pardonne !

MYRTO.

Tu m’aimais donc, ô le plus fourbe des étrangers !

BACTIS.

Et tu ne le voyais pas !

MYRTO.

Lequel de nous était le plus aveugle ?

BACTIS.

Chère Myrto !…

MYRTO, le relevant.

Hélas ! le sort nous sépare. Quelle secourable déesse allons-nous invoquer ?

BACTIS.

Aime-moi beaucoup pour attendrir les dieux !