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MISS NELLA
SOUVENIRS DES MERS DE L'INDE


I. — LE BUNGALOW

La petite île de Colabah forme comme un appendice de l’île plus étendue sur laquelle s’élève la ville de Bombay. Bien qu’elle soit presque partout environnée de rochers noirs, battus par les vents de la mousson, elle offre des parties assez fertiles, et les Anglais y ont bâti un certain nombre de ces maisons de plaisance, — nommées dans le pays bungalows, — où ils aiment à passer la saison des chaleurs. Le capitaine Josuah Mackinson habitait, en 1840, l’une de ces villas, construite sur le bord même de la mer. Vers la fin de l’été, s’étant levé un peu avant l’aurore selon son habitude de chaque jour, le capitaine se mit à se promener dans son jardin. La brise du matin frémissait dans les longues feuilles des cocotiers qui ornaient les quatre coins de sa maison, comme les panaches d’un dais. Les fleurs odorantes au large calice, dont nous admirons dans nos serres chaudes les pâles reproductions, exhalaient leurs parfums enivrans et les oiseaux, parés des plus vives couleurs, se jouaient en gazouillant à travers les branches des figuiers. De toutes parts la mer, dorée par les premières lueurs de l’aube, se couvrait de voiles pointues comme l’aile du goéland. Les lourdes barques arabes s’éloignaient aux cris des équipages, penchés sur leurs avirons, dans la direction de Mascate et d’Ormuz, tandis que les canots élancés des pêcheurs malabars regagnaient lentement la terre. Les milans affamés planaient le long du rivage, le cou tendu, suivant d’un œil attentif le retrait de la marée, qui laisse toujours à sec sur le sable et dans le creux des rochers des myriades de mollusques et