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des autonomies des villes par une organisation municipale qui laissait le champ libre à toutes les influences administratives, abolition du jury pour les délits politiques, institution d’une cour exceptionnelle pour les crimes d’état, restitution de la police locale dans les mains de la noblesse de campagne, consécration des majorats, fidéicommis, et des autres établissemens de la féodalité, telles furent les victoires que remporta successivement le parti de la croix sur la société moderne. Bien plus important encore et décisif pour l’avenir fut l’avantage que s’assura le même parti dans l’organisation définitive de la chambre des seigneurs : cette organisation fut tout au profit de l’influence féodale, et elle permit à M. Stahl de faire encore quelques jours avant sa mort, dans la séance de clôture de 1861, la fière déclaration que le nouveau régime parviendrait peut-être à briser ce corps dans sa résistance, mais jamais à le faire plier. Si la réaction ne put’ cependant atteindre complètement à l’idéal gothique qu’elle avait rêvé, si elle ne réussit même pas à supprimer là charte, quoique le comte de Saurma-Jeltsch en eût fait un jour la proposition formelle au sein du parlement, cela tint sans doute à la force des choses, plus grande que l’habileté des courtisans, plus grande même que la fureur aveugle des factions ; mais cela tint aussi en partie, — chose curieuse, — au peu de résistance que les Stahl, les Gerlach, etc., rencontraient de la part de la représentation nationale, et ici quelques explications sont nécessaires. À la suite du coup d’état de 1848, qui dispersa la chambre constituante de Berlin, les démocrates, déçus dans leurs espérances d’une république entourée d’institutions monarchiques, les patriotes allemands, blessés du refus opposé à l’acceptation de la couronne impériale, les libéraux avancés, qui ne voulaient pas reconnaître à la royauté le droit d’octroyer une charte même libérale, en un mot toutes les fractions qui sont parvenues avec le temps à composer le grand parti du progrès (fortschrittspartei) voulurent rester étrangères aux chambres, convoquées bientôt après, au parlement d’Erfurt et à toutes les législatures suivantes ; elles se tinrent systématiquement à l’écart de toutes les élections, et persistèrent dans cette attitude d’abstention jusqu’au commencement de l’année 1862. Seuls, les constitutionnels.modérés ne suivirent pas cet exemple ; mais, réduits à leurs propres forces, ils ne purent lutter qu’avec désavantage contre le parti féodal, fortement organisé aussi bien dans les comices que dans le parlement ; ils perdirent du terrain à chaque renouvellement de législature (1852 et 1855), et la tâche de défendre les principes de la liberté fut dévolue en dernier lieu à la fraction Bethmann-Hollweg, qu’on pourrait nommer la fraction de la bureaucratie éclairée, qui avait elle-même commencé par faire chorus avec les