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tel cerveau extravagant, tel mandataire du parti extrême comme Sefeloge, mais bien le système constitutionnel moderne. » La publication du nouveau code pénal (14 avril 1851), avec l’extension démesurée qu’il assignait à la peine capitale, avec sa rigueur pour les délits politiques et l’adultère, fut une nouvelle satisfaction donnée à l’esprit réactionnaire, toujours plus exigeant. Enfin au mois, de mai (15 et 28), — au moment même où Frédéric-Guillaume IV se rencontrait à Varsovie avec l’empereur d’Autriche sous l’œil protecteur du tsar Nicolas, — le ministre de l’intérieur, M. de Westphalen, l’homme selon le cœur du parti de la croix, publiait des circulaires qui furent toute une contre-révolution. Le § 66 de la loi communale disait expressément : « Toutes les lois antérieures sur les assemblées de districts et de provinces sont abrogées ; » il prononçait ainsi l’abolition formelle de l’ancienne division en classes (nobles et bourgeois), et consacrait l’égalité civique. Eh bien ! à l’effet d’établir la répartition et l’encaissement de l’impôt, M. de Westphalen convoquait purement et simplement les anciens états ou assemblées de districts et de provinces[1]. C’était abroger indirectement la législation du 11 mars 1850, proclamer très haut le caractère « éternel et sacré » des ordres. Aussi la noblesse de Brandebourg ne se fit-elle pas faute de remercier le roi « pour la preuve matérielle qu’il donnait de son désir de maintenir les antiques institutions du pays à côté des nouvelles et de les amender les unes par les autres. »

On s’étonnerait peut-être qu’ainsi favorisée de toutes parts et rencontrant si peu de résistance. dans l’affaissement général de l’opinion, la réaction n’eût point plus hâté son œuvre, eût permis à la constitution de « passer l’hiver, » et se fût bornée à la proclamer seulement avec M. de Gerlach comme une loi « non définitive. » C’est que les préoccupations de l’extérieur ne donnaient pas de loisir et conseillaient tout au plus des sorties intermittentes, quoique toujours vigoureuses et combinées d’après un vaste système d’ensemble. Les graves complications allemandes de l’année précédente furent remplacées en effet en 1851 par les fiévreuses inquiétudes qu’inspirait l’échéance fatale de l’élection présidentielle en France. On se rappelle les espérances et les craintes qui agitèrent alors toute l’Europe. La tension des esprits était extrême, les factions se réservaient pour le moment décisif ; l’entrevue des trois souverains du Nord à Varsovie avait évidemment pour but de parer aux événemens et de constater aux yeux du monde la résurrection ou plutôt l’immortalité de la sainte-alliance. Point n’est besoin de dire du reste de quel

  1. C’est par une mesure analogue que M. de Bismark-Schoenhausen a inauguré tout récemment son avènement au pouvoir.