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Cela vient-il au-devant de nos désirs ? Cela court-il après les malheureux ? Cela a moins de raisonnement que le bœuf qui laboure ! Croyez-moi, mon maître, attachez-moi ce dieu-ci avec de bonnes cordes et frappez-le de verges jusqu’à ce qu’il vous obéisse, après quoi vous le laisserez aller et devenir ce qu’il pourra.

CHRÉMYLE.

Non ; je crains la colère des dieux qui me l’ont donné pour hôte.

CARION.

Alors confiez-le-moi, et je vous réponds de lui ! Vous voyez bien qu’il est aveugle ? Je le mènerai au bord du précipice, et je le laisserai là, sans bâton, jusqu’à ce qu’il demande grâce.

CHRÉMYLE.

C’est une idée, cela ! Va, et ne le maltraite pas trop.

CARION, clignant de l’œil.

Si fait, je veux le battre un peu !

PLUTUS.

Voyons, voyons ! ne me tourmentez pas. Je cède.

CHRÉMYLE.

Vous restez avec nous ?

PLUTUS.

Puisqu’il le faut !

CHRÉMYLE.

Alors vive la joie !


SCÈNE VI.
CHRÉMYLE, CARION, PLUTUS, MYRTO.


CHRÉMYLE.

Eh bien ! nos amis…

MYRTO.

Bactis s’occupe de les avertir. Plusieurs sont déjà chez nous.

CHRÉMYLE.

Courons célébrer la venue d’un hôte si précieux et si rare !

CARION.

Permettez, mon maître. C’est agir comme des fous que d’étaler la richesse devant tant de monde ! Prenez garde qu’à la fin du repas, quand vous aurez bu plus que de raison avec vos amis, ceux-ci ne vous enlèvent le dieu Trésor.

CHRÉMYLE, à Plutus.

Quoi ! tu te laisserais enlever ?

PLUTUS.

Que veux-tu ? Je ne suis pas le dieu Mars ; je crains les coups, et j’appartiens à qui me fait violence.

CHRÉMYLE.

Alors je vais te lier bras et jambes ?