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intermédiaires. En attendant qu’on puisse compter sur le développement donné par les ryots à la culture du coton, l’administration de l’Inde a intérêt à multiplier les voies de communication, à construire surtout des chemins de fer, afin de répondre par ce redoublement d’activité aux reproches qu’on lui ménage si peu en Angleterre. Déjà heureusement les arrivages de coton de l’Inde offrent un accroissement considérable, et la progression ne peut manquer d’être rapide.

Il est encore un fait bien établi maintenant en Angleterre : c’est que l’arrêt du travail s’explique moins par la rareté de la matière première que par le prix élevé auquel on la livre. Si les articles manufacturés étaient en rapport de prix avec le coton brut, les manufacturiers n’hésiteraient pas à reprendre le travail ; mais, chose curieuse, le produit manufacturé ne peut être vendu à un prix qui indemnise le fabricant. C’est ainsi que du coton écru ou calicot est aussi cher que du calicot blanchi et imprimé, et le poids du coton brut se vend à un prix relativement plus élevé que le même poids de coton filé ou tissé. La vente des tissus de coton ne s’opère ainsi qu’avec la plus grande difficulté, et ne produit jamais un résultat en rapport avec le prix de la matière première[1]. Si l’on doit s’attendre à une reprise prochaine du travail, ce n’est pas à l’abondance du coton qu’on la devra, mais aux besoins de la consommation. Sitôt que celle-ci n’hésitera plus à payer les articles manufacturés à un prix en rapport avec le prix du coton, le travail reprendra. C’est même ce qui a déjà lieu aujourd’hui dans un certain nombre d’usines aux environs de Manchester, où le travail a repris, sinon complètement, du moins pendant trois jours de la semaine.

Est-il nécessaire de dire que l’attention ne s’est pas seulement portée en Angleterre sur les conséquences matérielles de la crise, mais sur les notions générales qu’on pouvait en recueillir ? Autrefois l’objet de l’industrie était surtout de créer des ressources aux populations en occupant un grand nombre de bras ; aujourd’hui l’objet de l’industrie est la production continue par les moyens les plus économiques, en diminuant autant que possible la main-d’œuvre et par conséquent le nombre des ouvriers. Le but est précisément d’occuper le moins de personnes et de produire le plus possible. Cette situation

  1. Les chiffres suivans donneront une idée de cette sorte d’anomalie. Voici quel a été au 4 décembre, pendant les six dernières années, le prix du coton brut de bonne qualité : 1862 25 deniers la livre, — 1861 11 d., — 1860 7 d. 1/4, — 1859 7 d. 4/4, — 1858 1 d., — 1857 6 d. 1/4. Le prix du coton brut en 1862 dépasse du triple ce qu’il était de 1857 à 1861. — Voici maintenant, pour le coton travaillé, le prix du filé n° 40 (fair), deuxième qualité : au 4 décembre 1862, 27 deniers la livre, — 1861 14 d. 1/4, — 1860 12 d. 4/4, — 1859 12 d. 5/8, — 1858 42 d., — 1857 40 d. 3/8.