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le temps où nous sommes, mais ce qui ne mérite pas au même degré l’indignation des honnêtes gens.

Poursuivons cependant la revue rapide de ces personnages. Maximilien a de généreux mouvemens et une belle ardeur de jeunesse dans son premier entretien avec Fernande et dans la scène où il reconnaît son père ; mais pour un docteur ès-lettres il est d’une mobilité bien extraordinaire dans ses opinions, et ses conversions naïves sont d’une affligeante facilité. Cet excellent jeune homme qu’un sot discours fait brusquement tourner à droite, et qu’un livre qu’on ne connaît pas, mais qu’on se figure involontairement plus sot encore, fait brusquement tourner à gauche, prouve mieux que tout le reste combien M. Augier est étranger à la politique et combien il aurait tort d’y fourvoyer son talent. À l’âge où est arrivé Maximilien, avec l’éducation que M. Augier lui a donnée, et avec l’honnête sincérité qu’on lui suppose, on n’est pas à la merci d’un livre ou d’un discours, surtout lorsqu’on a lu, comme Maximilien a dû le faire, depuis Périclès et Cicéron jusqu’à Burke et Mirabeau, d’autres discours et d’autres livres que ceux de son père Giboyer. À cet âge et après cette éducation vigoureuse, une opinion politique est entrée dans le cœur et dans le sang, et elle ne peut être arrachée qu’avec la vie : non pas qu’on ne puisse passer, avec le temps et l’expérience, d’une nuance à une autre dans le sein de la même opinion ; non pas qu’on ne puisse par exemple ( et je crains fort que M. Augier cesse ici de me comprendre) être indifféremment légitimiste comme M. Berryer, orléaniste comme M. Thiers ou républicain comme le général Cavaignac. Ce ne sont là que diverses façons de vouloir et d’appliquer la même chose ; mais ce qui est impossible, c’est de passer en un instant, comme le fait Maximilien, de l’école des gouvernemens libres à l’école des gouvernemens absolus, c’est de croire aujourd’hui que les peuples doivent se gouverner eux-mêmes et le lendemain qu’ils doivent être gouvernés par un maître. Un changement de ce genre est parfaitement inconciliable avec les lumières et le caractère que M. Augier a prêtés à Maximilien ; ce serait l’indice d’une intelligence faible ou folle, et M. Augier, qui a voulu après tout faire de Maximilien le personnage sympathique et intéressant de sa pièce, nous paraît détruire ici d’une main ce qu’il a élevé de l’autre.

Fernande, opprimée, mais fière sous la domination d’une belle-mère ridicule, aimant Maximilien sans le savoir et poussée par cet amour même à le juger trop vite et à le condamner plus qu’il ne faut, nous toucherait davantage, si l’ingénieuse idée de cette situation et de ce caractère n’était aussi gâtée par quelque inconséquence. Tout le monde souffre de voir cette jeune fille si clairvoyante à l’égard des amours supposées de sa belle-mère et de