des codes ont réuni toutes les règles du droit civil ; il s’est donc fait pour tous une science plus facile à acquérir, mais qui est impérieusement exigée de tous ceux qui se destinent au barreau, où désormais pour être bon avocat il faut être en même temps bon jurisconsulte. C’est par là même que s’est opérée en grande partie la réforme du style judiciaire ; la connaissance du droit a banni la déclamation et l’a rendue intolérable ; d’un autre côté, l’étude pratique des affaires a conduit à chercher l’argument dans le sujet et pour le sujet, et par là également a été porté, le dernier coup à ces hors-d’œuvre, à ces emprunts singuliers que le barreau des deux derniers siècles faisait à l’antiquité. À cette époque, un avocat bien posé devait trouver le moyen de faire briller avant tout sa connaissance des auteurs sacrés et profanes ; les plus belles plaidoiries étaient les plus émaillées de citations et d’érudition littéraire : le palais allait droit à la comédie des Plaideurs. Il est assez piquant de relire aujourd’hui ces plaidoiries de nos pères, espèces de monumens gothiques dont l’ensemble révèle parfois une grande et puissante pensée, mais dont l’ornementation est lourde et sans goût. Sous ce rapport, Antoine Lemaistre apparaît au XVIIe siècle comme une surprenante exception ; s’il fait encore des emprunts à l’antiquité, si çà et là il parle d’Aristote et de Platon, c’est déjà avec un discernement et un goût qui en font comme un avocat de la fin du XVIIIe siècle, un émule de Gerbier ; personne autour de lui n’a parlé au barreau ce langage pur, châtié, sobre, et parfois d’une vigueur extrême. Évidemment, quand M. Sainte-Beuve a émis l’opinion que Lemaistre avait dû servir de modèle à Racine pour le personnage de L’Intimé, il n’avait pas comparé ses plaidoiries à celles de ses contemporains, ni même aux plaidoiries des propres amis du poète. M. Oscar de Vallée, qui a personnifié dans Lemaistre l’éloquence judiciaire du XVIIe siècle, le défend avec quelque amertume contre cette supposition qui le ridiculise ; mais il n’a pas suffisamment démontré combien il avait raison. On sait aujourd’hui que le fond des Plaideurs n’est pas l’œuvre personnelle de Racine ; c’est à sa maison de campagne d’Auteuil que le canevas de la pièce fut arrangé de concert avec les amis qu’il y recevait habituellement, Boileau, Chapelle et Pousset de Montauban, l’un des premiers avocats du parlement de Paris, auteur lui-même de quelques tragédies. Chacun y mit du sien, Racine l’a dit et ne s’en est pas caché : « Moitié en m’encourageant, moitié en mettant eux-mêmes la main à l’œuvre, mes amis me firent commencer une pièce qui ne tarda guère à être achevée. » Les plaisanteries les plus bouffonnes devaient trouver dans Chapelle un maître consommé ; Pousset de Montauban put fournir les mots techniques du palais et, qui le croirait ? poser lui-même
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