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en un mot toute réaction chimique. Cette nouvelle méthode de panification est donc entièrement mécanique ; elle supprime du même coup le fatigant et insalubre pétrissage à bras d’homme. Rien n’est plus simple que cette panification manufacturière établie avec succès dans plusieurs villes de la Grande-Bretagne, et que l’on expérimente en ce moment à Paris dans la boulangerie des hospices. On y emploie un appareil qui peut préparer en une demi-heure environ 600 kilos de pâte à enfourner[1].

Le labourage à vapeur, les nouvelles méthodes de conservation des grains et de panification nous montrent les plus récens progrès de la mécanique mise au service de l’agriculture. D’autres inventions viennent y ajouter les ressources combinées de la mécanique et de la chimie. L’établissement de distilleries agricoles appartient à cet ordre de créations éminemment utiles. L’Angleterre a tenté de pratiquer, comme la France depuis quelques années, l’alliance si profitable de la distillerie et de la ferme. Les conditions sont toutefois différentes dans les deux pays. On sait combien a été favorable à nos exploitations rurales l’établissement de distilleries fondées sur un nouveau système de transformation du sucre en alcool, remarquable système qui réserve tous les autres principes de la racine saccharifère (albumine, substances grasses et salines) pour la nourriture économique des animaux de nos fermes. Le succès prodigieux de cette méthode, connue sous le nom de l’auteur même, M. Champonnois, fut tel qu’en moins de dix années on vit s’établir trois cent cinquante distilleries, traitant ensemble 4 millions de kilogrammes de betteraves par jour. En présence d’aussi importans résultats acquis en France, la Belgique n’hésita pas à modifier sa législation fiscale sur ce point, et dès lors ses habiles agriculteurs manufacturiers s’empressèrent d’installer

  1. L’opération s’accomplit de la sorte : on verse d’abord dans un vase sphérique en fonte 400 kilogrammes de farine, comprenant les gruaux blancs et bis ; l’ouverture étant alors close, l’intérieur de la sphère est mis en communication par un tube à robinet avec une pompe qui fait le vide, afin d’en extraire tout l’air atmosphérique à quelques centièmes près. On introduit aussitôt dans la sphère environ 200 litres d’eau chargée d’acide carbonique sous la pression de 7 atmosphères 1/2, ce qui représente de l’eau de Seltz un peu plus forte que d’ordinaire. Un agitateur à palettes est aussitôt mis en mouvement par la courroie d’une machine à vapeur, et en quinze minutes le pétrissage est complet : il ne reste plus qu’à ouvrir graduellement et à régler le robinet à long et étroit orifice placé au bas de la sphère pour que la pâte, toute remplie d’eau gazeuse, s’en échappe sans interruption. Un ouvrier la reçoit dans des pannetons saupoudrés de farine granuleuse. Les pains sont enfournés immédiatement et soumis à la cuisson ordinaire. On est parvenu à rendre la cuisson elle-même régulière et continue en faisant introduire mécaniquement les pains à l’un des bouts du four et les faisant sortir à l’autre bout, transportés ainsi par une chaine sans fin. Telle est la dernier disposition adoptée en Angleterre, et qui semble le mieux convenir pour une grande fabrication.