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blics de toutes les opinions, et il en est résulté cette situation où le ministère, persistant à soutenir le général Prim par une sorte de fatalité plus que par conviction, a vu se lever devant lui ceux-là mêmes qui l’avaient représenté à Paris, M. Mon, le général José de la Concha, pour mettre en cause toute sa politique. Matériellement, le ministère sortait encore victorieux de cette épreuve ; au fond, il avait reçu une grave et dangereuse atteinte. L’hostilité passionnée de M. Gonzalès Bravo ou de M. Olozaga n’aurait eu aucun effet sans doute; le vrai péril, la vraie menace pour lui était dans l’attitude de beaucoup de ses amis, dans ces dissidences qui se multipliaient et s’aggravaient, et c’est ainsi que le vote de confiance qui couronnait la discussion de l’adresse dans les deux chambres n’était qu’une expression trompeuse, peu exacte de la situation réelle, de la force véritable du gouvernement. Vainqueur dans le scrutin, le ministère n’était pas moins moralement frappé à mort, si bien que, dans un des premiers conseils qui suivaient ces débats parlementaires, la question de la retraite ou tout au moins d’une reconstitution du cabinet s’élevait naturellement. La vérité est que « le navire faisait eau, » suivant une expression portée depuis aux cortès. M. Posada Herrera se retirait pour raison de santé, comme il l’a dit, M. Negrete, ministre de la justice, pour accompagner M. Posada Herrera dans sa retraite, M. Calderon Collantès parce que la question qu’il aurait voulu ajourner avait été brusquement posée par un de ses collègues, et en fin de compte le premier ministère du général O’Donnell mourait d’une démission collective en pleine possession d’une majorité incontestable. Comment était-il mort? La cause était claire : M. Posada Herrera, outre les considérations de santé accueillies par le rire incrédule du congrès, donnait une raison plus sérieuse : « Nous avons présenté notre démission, disait-il, par un sentiment patriotique, pour éloigner toute espèce de difficultés, » c’est-à-dire pour laisser le général O’Donnell maître de rétablir l’intégrité de l’union libérale.

C’était en effet le général O’Donnell qui recevait immédiatement de la reine la mission de reconstituer le cabinet plus qu’à demi démembré, et il le recomposait en appelant à exercer le pouvoir avec lui le général Serrano comme ministre des affaires étrangères, M. Pastor Diaz comme ministre de la justice, tandis que le marquis de la Vega de Armijo passait des travaux publics à l’intérieur, à la place de M. Posada Herrera. Or quelle était la signification, la portée de ce changement? Ici commence un nouvel ordre de péripéties dont les explications données devant les cortès n’étaient que le premier acte. Cette modification n’avait aucun sens, elle n’était qu’une combinaison dont toute la signification était dans la personnalité du général O’Donnell, ou c’était une avance faite à ceux qui s’étaient séparés du précédent cabinet soit sur des questions extérieures, soit sur des questions intérieures, soit sur toutes à la fois. Le général Serrano, qui arrivait de la Havane, où il était comme gouverneur, avait blâmé vivement, ouvertement, les actes du général Prim dans l’expédition du Mexique, et avait paru tou-