Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/906

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sables infertiles d’un pays presque désert. Au nord habitent des populations gauloises parlant un dialecte français; au sud les rares habitans, dont les ancêtres étaient probablement en grande partie Ibères, ont un patois qui se rattache à la grande famille provençale. Ainsi tout diffère sur les deux bords, à peine séparés de quelques kilomètres. A l’intérêt offert par ces contrastes s’ajoute celui que présentent les déplacemens séculaires de la péninsule de Grave, qu’on essaie maintenant de fortifier contre les assauts de la mer. Au point de vue commercial, l’estuaire de la Gironde n’est pas moins remarquable, car il donne accès à une ville de commerce qui fut pendant longtemps la plus importante de la France entière.


I. — LE GOLFE ET LE PHARE DE CORDOUAN.

Le vaste entonnoir du golfe de Cordouan, dans lequel s’engouffrent les flots du large avant de pénétrer dans la Gironde et de se heurter avec son courant, est occupé dans une forte partie de son étendue par des bancs de sable situés à moins de 10 mètres au-dessous du niveau des basses mers. Tout à fait à l’ouest, c’est le Grand-Banc, l’ancien Mastelier des cartes marines : son rebord extérieur, qui descend en pente assez douce vers la haute mer et suit avec une régularité remarquable la direction du sud-est au nord-ouest, semble continuer au fond des eaux la ligne si peu mouvementée des rivages sablonneux des landes de Gascogne. En-deçà, vers l’intérieur du golfe, une zone de bancs à fond de sable et de gravier se dispose en forme de demi-cercle brisé autour du plateau sous-marin dont l’écueil de Cordouan occupe le centre. Plus à l’est, les bancs diminuent en nombre et en étendue : immédiatement après la Pointe-de-Grave, — c’est-à-dire à l’entrée même du fleuve, — l’embouchure offre d’une rive à l’autre une profondeur considérable, variant de 11 à 31 mètres.

L’entrée principale de la Gironde, connue sous les noms de Passe-du-Nord ou de Passe-de-la-Coubre, et signalée au loin pendant les nuits par les brusques éclairs de l’étoile de Cordouan, commence à une assez grande distance en mer, à 3 kilomètres environ de la côte la plus voisine et à 21 kilomètres du Saut-de-Grave, où s’ouvre l’estuaire proprement dit. Cette grande passe, que suivent actuellement tous les navires d’un fort tirant d’eau, serpente comme un large fleuve entre la zone des bas-fonds et les plages de la côte de Saintonge. Par un beau temps, l’entrée du chenal ne présente aucun danger, et, même en l’absence des nombreux pilotes qui font d’ordinaire le guet dans ces parages et se disputent les navires, tout capitaine intelligent peut facilement s’engager dans la passe et trou-