Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/900

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cupent peu. Quoi qu’aient pu prétendre les déclamateurs intéressés de l’école philosophique du XVIIIe siècle, de tous les peuples colonisateurs, un seul a réussi à conserver la race aborigène des pays conquis, l’Espagnol; l’Anglais n’a cherché qu’à se substituer à elle.

Ces Indiens de l’Acadie ont peu varié dans leur attachement à la foi catholique; mais le fait pourrait s’expliquer par la prépondérance que, grâce à l’émigration irlandaise, le catholicisme a su s’assurer dans la colonie. Il y représente les trois dixièmes de la population. Faut-il attribuer à ce fait la plus grande condensation relative du protestantisme dans la Nouvelle-Ecosse? On serait tenté de le croire. Il est certain que je n’ai constaté dans le pays que dix sectes de dénominations différentes; encore, sur les dix, y en avait-il quatre insignifiantes comme importance numérique. C’est un résultat que l’on ne trouverait ni en Angleterre ni en Amérique. Ces sectes toutefois ne laissent pas que de se surveiller mutuellement avec une vigilance plus jalouse qu’aux États-Unis, et j’en citerai un exemple trop curieux pour être passé sous silence. La Nouvelle-Ecosse possède à Dartmouth, près d’Halifax, un magnifique hôpital d’aliénés qui pourrait être pris pour modèle dans tous les pays du monde. Le traitement consiste surtout en une liberté presque absolue unie à une grande douceur; on évite même d’y prononcer le mot de punition. L’excellent docteur de Wolfe, qui dirige l’établissement avec une sollicitude qu’on ne saurait assez louer, m’avait offert d’y venir assister à l’office du dimanche. Les fous des deux sexes étaient réunis dans la chapelle sans nulle précaution apparente, et s’y comportaient avec une précision automatique qui eût fait honneur à bien des fidèles en pleine possession de leur raison. Ils se levaient, s’asseyaient, se tournaient, s’agenouillaient et chantaient à point nommé sans l’ombre d’une méprise; mais je fus fort étonné d’apprendre que le service de la semaine suivante serait différent de celui que je venais d’entendre. Les ministres des diverses sectes poursuivent en effet jusque dans ce refuge les âmes absentes de ces infortunés, et se sont, pour éviter toute discussion, réglé une sorte de tour de service, de manière à avoir successivement un dimanche anglican, un autre baptiste, un autre presbytérien, et ainsi de suite. Malgré mon respect pour le prosélytisme religieux, je ne pus m’empêcher de le trouver singulièrement fourvoyé.

Les nègres, qui forment une fraction assez importante de la population de la Nouvelle-Ecosse, sont généralement baptistes. Pourquoi cette préférence? Eux-mêmes l’ignorent probablement, mais ils n’en tiennent pas moins à la forme assez spéciale qu’ils ont donnée à leur culte. Cette forme est étrange, il faut le dire, et bien digne d’eux. Les hymnes chantées en chœur sont accompagnées