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135 francs à la Jamaïque. C’est aussi de toutes les colonies la plus rapprochée de la mère-patrie, sauf Terre-Neuve. Le climat y est des plus sains, les communications à l’intérieur faciles et sûres. Des canaux y relient les lacs nombreux qui s’étendent sur une partie du territoire. Bref, rien n’y manque qu’une population plus compacte, et à défaut de l’initiative métropolitaine il y a lieu de s’étonner que l’administration locale ne consacre pas une partie de ses ressources financières à encourager l’immigration.

Nul exemple à cet égard n’est plus instructif que celui des États-Unis. C’est par le zèle de quelques agens européens, peu nombreux d’ailleurs, et surtout par les soins dont le colon est entouré à son arrivée, que l’Américain réussit à grossir chaque année le chiffre de son contingent étranger. Ainsi, sur les 68,311 émigrans débarqués à New-York en 1861, 5,079 furent hébergés gratuitement dans les hôpitaux de la ville, 6,177 reçurent de même un logement provisoire, et 6,023 furent pourvus par l’entremise de commissaires nommés à cet effet. L’utilité de ces premiers soins est si bien comprise de tous, que chaque année les dépenses qu’ils occasionnent sont en partie couvertes par les contributions volontaires des émigrans déjà établis à l’intérieur. Ces apports furent de 90,000 fr. en 1861[1]. Il est à remarquer que, sur ces 68,000 nouveaux débarqués, 1,389 seulement durent être nourris, et qu’il ne leur fut fait d’avances en numéraire que 7,000 francs environ, sur lesquels 150 fr. seulement n’étaient pas encore remboursés à la fin de l’année. Cette statistique de frais, qui seraient proportionnellement réduits en raison de l’importance du pays, n’a rien assurément qui doive effrayer la Nouvelle-Ecosse, et tout porte à croire qu’une fois l’impulsion donnée, on verrait, comme aux États-Unis, se constituer des compagnies d’émigration qui affranchiraient l’état de toute charge de ce genre. Lorsqu’on songe au parti que, sur une échelle restreinte, la population acadienne du XVIIIe siècle avait su tirer de la petite portion de pays occupée par elle, on a peine à comprendre les préjugés qui se sont répandus en Angleterre sur l’infertilité de cette colonie. La baie de Fundy a toujours ses marées, les plus considérables du globe, où la mer s’élève au moins de 25 mètres, et les riches terrains d’alluvion ainsi formés ne sont pas moins productifs qu’à l’époque où les colons français les cultivaient avec un succès si marqué. Aujourd’hui, avec sa minime population de 330,000 âmes, la Nouvelle-Ecosse trouve moyen d’exporter pour près

  1. Une grande partie des dépenses d’émigration sont défrayées par les émigrans déjà établis, qui font passer à leurs amis d’Europe l’argent nécessaire pour venir les rejoindre. Il est telles années où l’ensemble de ces sommes, officiellement constaté dans les maisons de banque, s’élève en Angleterre à plus de 11 millions de francs.