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côté, avec les armes d’Angleterre sur l’autre face, dans un plateau de cuivre où s’amassent pêle-mêle ses semblables, car la presse continue gravement de travailler, et à chaque palpitation de cette vie mécanique une nouvelle goutte d’or monnayé coule dans le même déversoir. De temps en temps on emporte ces bassins de cuivre remplis jusqu’aux bords, on recueille les souverains, et on les examine avec soin pour séparer les bons des mauvais. Errare humanum est. et ces machines, malgré l’excellence du travail, étant après tout filles de l’homme, se trompent encore quelquefois. Il y a des souverains qui sortent de la presse brisés ou mal imprimés ; ils sont mis à part, et, comme les initiés aux mystères antiques ayant failli, il leur faudra recommencer toutes les épreuves, à commencer par celle du feu. La monnaie d’or anglaise consiste à présent en souveraine et en demi-souverains qui valent vingt ou dix shillings (25 ou 12 francs l/2). Dans certains magasins de Londres, on trouve bien encore des marchandises annoncées sur des écriteaux au prix d’une guinée (21 shillings) ; mais cette pièce de monnaie ne se rencontre plus en réalité ni au Royal Mint, ni ailleurs, si ce n’est dans les cabinets de numismatique ou aux vitrines de quelques changeurs. La guinée devait son nom à une côte d’Afrique, dont une partie a même été appelée gold coast (côte d’or) ; elle fut frappée sous le règne de Charles II avec l’or qui venait d’être découvert dans ces parages. Aujourd’hui c’est une monnaie nominale, un mythe, et l’on s’étonnerait qu’elle figurât encore dans le langage des affaires, si le commerce et surtout les professions libérales n’avaient un intérêt assez grand à l’y conserver. D’après un usage immémorial, la visite d’un physician (médecin de premier ordre) se paie une guinée. c’est-à-dire une ancienne pièce d’or ; on comprend dès lors que le docteur n’aime point le nouveau système monétaire : aussi exige-t-il, qu’on ajoute 1 shilling au souverain pour maintenir intactes les bonnes traditions.

Au point où nous en sommes arrivés, la monnaie d’or est faite ; û ne lui reste plus qu’à passer un examen avant d’être lancée dans le monde. Des ouvriers ou porteurs ployant sous le faix des souverains les enlèvent, les pèsent et les mettent dans des sacs qui contiennent chacun sept cent une livres sterling ; c’est surtout pour ces hommes que la fortune est un fardeau. Les sacs sont ensuite ouverts, et l’on en tire au hasard deux pièces d’or : l’une est examinée par une sorte de conseil d’essayeurs ; l’autre est conservée dans un coffre-fort pour subir un jour ce qu’on appelle l’épreuve du pyx. Cette dernière opération a généralement lieu avec une grande solennité dans Westminster-Hall, à la nomination d’un nouveau maître de !a monnaie ; des membres du conseil privé et douze jurés de la société des orfèvres, goldsmith’ s compayy, y assistent ; le lord grand--