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lit des torrens ? Sans nul doute par l’action des eaux, des vents, des neiges et des autres causes érosives. Les fragmens qu’on ramasse dans ces terrains et à une profondeur variable sous forme de morceaux irréguliers, de grains ou même de paillettes, ont été détachés à l’origine de la roche-mère.

Ces deux conditions bien différentes sous lesquelles se montre l’or, — associé aux roches solides et aux gaines de quartz, ou en quelque sorte désagrégé par d’anciennes inondations et roulé pêle-mêle comme un caillou parmi les détritus de toute sorte dans les bassins creux, — ont donné lieu à deux ordres de travaux. Attaquer les roches solides et les filons de quartz, les moudre, séparer à l’aide du mercure les molécules d’or qui s’y rencontrent, c’est quelquefois une entreprise fructueuse, mais qui exige beaucoup de capitaux, de puissantes machines et une main-d’œuvre très considérable. Dans les terrains d’alluvion au contraire, où se trouve ce qu’on appelle stream-gold (l’or entraîné par des courans), la nature a déjà fait la moitié de la besogne du mineur. Il ne s’agit plus que de trouver ce qu’elle s’est donné la peine d’arracher aux roches séculaires dont la base reste inébranlable. De très belles masses d’or, nuggets, ont été découvertes plus d’une fois à la surface, mais le plus souvent il a fallu creuser avec la bêche ou la pioche dans ces sables ou ces terrains d’alluvion. D’ailleurs, comme le roi des métaux est avare de sa personne, qu’il se présente volontiers en grains et qu’il n’en faut rien perdre, une des plus sûres méthodes est de laver la terre. Durant l’exposition de 1862, on pouvait aisément se faire une idée de ce procédé curieux au palais de South-Kensington, car un homme envoyé tout exprès de Ballarat, en Australie, pratiquait durant des heures entières devant le public le gold washing, lavage de l’or. Si la terre est argileuse, on la jette d’abord dans un baquet où elle se trouve mêlée à une certaine quantité d’eau, et on la remue avec la bêche pour en séparer le limon gras. Quand le sable ou gravier aurifère se trouve suffisamment libre, l’ouvrier le ramasse et le pose dans un berceau (cradle), sorte de boîte en bois qui a bien à peu près la forme d’un berceau d’enfant. Le sable est étendu à la surface sur une plaque de fer perforée, et, après avoir versé de l’eau en assez grande abondance, deux hommes agitent le berceau en le balançant de droite à gauche et en chantant volontiers ces paroles bien connues des mineurs : « Courage, mes braves garçons, courage ! Berçons allègrement, berçons ! Il y a là dedans un nouveau-né qui ne demande qu’à bien venir. Quelles sont nos pensées en balançant le quartz de çà et de là ? Nous songeons que nous enverrons bientôt un peu d’or à nos familles ! » Pendant ce temps-là, les grains de métal mêlés au sable déjà raffiné tombent dans un compartiment inférieur du berceau destiné à les recueillir. Il faut les laver une troi-