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point d’ailleurs à se répandre. Un autre colon plus désintéressé, M. Hargraves, qui avait acquis dans la Californie l’expérience des mines, eut en 1851 tous les honneurs de la découverte, et, n’ayant point posé de conditions, reçut la récompense du gouvernement. Depuis 1852, l’Australie envoie à la Grande-Bretagne une masse d’or qu’on peut évaluer à 10 millions de livres sterling par an.

M. Robert Hunt, archiviste du Musée de géologie pratique de Londres, a fait observer[1] que les grandes découvertes de l’or ont toujours coïncidé avec de grandes époques historiques. En vertu d’une loi qu’on serait tenté d’appeler providentielle, elles sont venues apporter en temps utile de nouvelles ressources au progrès du genre humain. De nos jours elles se relient au développement merveilleux de l’industrie et des arts utiles. La conséquence naturelle de ces découvertes a été une affluence du noble métal, comme disent les Anglais, sur le marché de Londres. En 1858 seulement, la Grande-Bretagne a reçu en matières d’or et d’argent pour une somme qui excédait 37 millions de livres sterling. Il est aisé de se figurer l’essor qu’ont dû imprimer ces richesses métalliques au commerce de la métropole et à la prospérité naissante des colonies. La population de Victoria (Australie), qui en 1836 était de 177 habitans, compte aujourd’hui 540,322 âmes. Les récentes découvertes de l’or n’ont-elles point aussi exercé une influence sur la vie anglaise en ressuscitant chez nos voisins ce qu’ils appellent le génie de l’émigration et en développant dans la ville de Londres d’anciens métiers qui se rapportent au travail des métaux précieux ? Il y a là tout un ordre de faits bien dignes d’une attention sérieuse.

En France, nous avons, au point de vue du système monétaire, deux étalons de la valeur, l’or et l’argent ; les Anglais n’en ont qu’un, l’or : c’est donc à ce dernier métal que nous devrons surtout nous attacher. L’or se présente à nous sous trois formes successives : au sortir de la mine, c’est ou de la poudre ou ce que les Anglais appellent un nugget (morceau d’or brut) ; plus tard, il se convertit en lingot (ingot) ; enfin il devient une pièce de monnaie (coin), après avoir reçu l’empreinte légale. À chacun de ces divers états du métal se rapportent des industries spéciales et des groupes particuliers de travailleurs. Dans les docks, nous rencontrerons quelques représentans de cette hardie famille d’émigrans ou de chasseurs d’or (gold hunters) qui vont saisir la fortune à travers les mers ; chez les fondeurs et les raffineurs de Londres (melters and refiners), nous verrons l’or brut se changer en lingots ; enfin à l’hôtel des monnaies

  1. History and Statistics of gold, discours prononcé en 1853 devant les ouvriers qui se proposaient de grossir l’émigration.