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par les mineurs à cause de la difficulté qu’il y avait de l’isoler du plomb toutes les fois qu’il s’y trouvait en très petite quantité. Dernièrement un chimiste célèbre, M. Hugh Lee Pattinson, proposa un moyen plus sûr et plus économique de séparer ces deux métaux. Ce fut, tout calcul l’ait, une économie pour l’Angleterre de 60,000 liv. sterl. par an. Il faut en effet savoir que la Grande-Bretagne tire de ses mines jusqu’à 70,000 tonnes de plomb chaque année, et que plus de la moitié contient une certaine proportion d’argent. Cette découverte, connue sous le nom de méthode Pattinson, introduisit une sorte de révolution dans les mines, et ne fut pas sans influence, on le devine, sur la fortune publique.

Malgré quelques cas particuliers, les Anglais ne recueillaient jusqu’ici l’or et l’argent sur leur territoire que dans une quantité insignifiante pour leurs besoins. Ils ont dû par conséquent les demander au commerce, à l’industrie, aux grandes entreprises maritimes et coloniales. Comme la plupart des autres états de l’Europe, l’Angleterre achète depuis très longtemps sur le marché les métaux destinés à se convertir en numéraire. Quel était il y a quelques années, quel est aujourd’hui l’état de ce marché ? Vers 1840, la Grande-Bretagne recevait annuellement sa provision d’or de l’Amérique du Sud, de l’Afrique et de la Russie. Le produit des mines d’or américaines était alors estimé à 30,700,000 dollars par an. Les plus célèbres étaient celles du Mexique, du Chili, de Panama, de Buenos-Ayres et du Pérou. On a calculé que dans ces dernières la vie de neuf millions d’Indiens avait été sacrifiée dans l’espace de trois siècles. Toutes les mines du Nouveau-Monde alors connues étaient d’ailleurs en décadence, et l’on en peut dire autant de celles de l’Afrique. Peut-être existait-il à l’intérieur du continent africain des trésors naturels que la main de l’homme n’avait point encore pu atteindre. Un savant voyageur, sir James Campbell, s’étant arrêté quelque temps à Zante, une de ces îles ioniennes si délicieuses, avisa une petite espèce de pigeons de Barbarie qui, à un moment de l’été, arrivent par nuées des côtes de l’Afrique. Quelques-uns de ces oiseaux ayant été tués à coups de fusil, il observa que leurs pattes étaient chargées d’un sable brillant. Il recueillit cette poudre luisante sur une feuille de papier, et, après l’avoir analysée avec soin, reconnut qu’elle contenait une proportion considérable d’or. Le champ était ainsi ouvert aux conjectures. Le plus probable est que ces émigrans ailés, avant de se mettre en route, s’abattent pour boire sur les bords de courans d’eau dont le sable est imprégné de parcelles métalliques. Où se trouvent maintenant ces rives fortunées ? C’est ce que les pigeons messagers de l’or n’ont nullement su dire, et ce que les voyageurs n’ont pas encore découvert. En atten-