Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/757

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

touré de chanvre sans armature métallique, et il y reconnut plusieurs inconvéniens graves : d’abord ce câble se rompit pendant la pose ; puis, quand on voulut le relever, il était si peu résistant, le chanvre avait été tellement rongé par les insectes du fond de la mer, qu’il se rompait sous son propre poids. La jonction de l’Egypte au continent européen, première partie de la ligne des Indes, ne put donc encore s’opérer par cette voie. Comme dédommagement, MM.  Newall posèrent le restant du câble qu’ils avaient brisé entre Athènes et Syra. La capitale de la Grèce vint, la dernière des capitales de l’Europe, se relier au réseau télégraphique.

Ainsi, au milieu de l’année 1860, il n’existait plus aucune communication télégraphique en mer profonde ; presque tous les câbles étaient rompus, les autres abandonnés. En racontant l’histoire de ces désastres, nous avons pu marquer à côté de chaque accident un vice, indiquer après chaque échec une faute que l’on aurait pu éviter et que les ingénieurs éviteraient certainement à l’avenir ; mais alors ces faits n’étaient connus que de ceux qui avaient participé aux opérations, et l’opinion publique, dominée par les apparences, s’habituait à regarder la télégraphie océanique comme une chimère, comme un rêve d’un jour réalisé pendant quelques instans au prix de sacrifices insensés. Les hommes compétens au contraire ne s’étaient jamais crus aussi près du succès.

Et d’abord nous remarquerons que l’industrie des câbles était en voie de prospérité, grâce à la prodigieuse consommation qui en était faite, tant pour les grandes que pour les petites distances. Depuis longtemps, personne ne doutait plus de la réussite des petites lignes à faible profondeur d’eau, et tous les états maritimes reliaient leurs côtes et leurs îles. L’Angleterre par exemple communiquait par des fils directs, non-seulement avec la France, mais encore avec la Belgique, avec la Hollande et le Danemark. La fabrication s’améliorait, les procédés se perfectionnaient au profit des grandes applications qu’on en ferait plus tard. A la place des actionnaires qui faisaient défaut, le gouvernement français allait donner l’exemple de la confiance.

Les communications télégraphiques avec l’Algérie, par la voie de Corse et de Sardaigne, n’avaient jamais été ni parfaitement régulières ni suffisamment rapides ; d’ailleurs il était désirable, au point de vue administratif et politique, que notre principale colonie fût réunie à la métropole par une ligne indépendante des nations limitrophes. En avril 1860, MM.  Glass, Elliot et C° fabricans de câbles, soumissionnèrent l’établissement d’une ligne sous-marine directe entre la France et l’Algérie. La convention passée par le ministre de l’intérieur avec ces entrepreneurs fut approuvée par décret impérial en