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sans autre incident notable que les défauts de la machinerie. On avait atteint les grandes profondeurs, et l’on espérait déjà le succès, lorsque le troisième jour, à trois heures du matin, le câble se rompit net à 40 mètres sous l’eau et par une profondeur de 3,600 mètres. Un instant auparavant, le dynamomètre indiquait une tension de 17 à 1,800 kilogrammes, chiffre bien inférieur à celui qui devait correspondre à la tension de rupture. La veille, on avait stoppé et arrêté complètement l’émission dans une profondeur d’eau non moins considérable. Ce n’était donc pas le poids de la partie immergée qui avait causé cet accident. L’ingénieur l’attribua à la maladresse du garde-frein, qui, contrairement aux ordres reçus, n’aurait pas détendu un peu le frein au moment où l’arrière du bâtiment était soulevé par les vagues. Quoi qu’il en soit, l’opération ne pouvait être reprise, car il ne restait au Niagara que l,400 kilomètres de câble, qui, avec les 2,000 de l’Agamemnon, faisaient une longueur totale de 3,400 kilomètres, supposée avec raison insuffisante pour le trajet de Valentia à Terre-Neuve. La flottille revint donc à Plymouth, le câble fut déchargé et empilé dans des réservoirs à Keyham, puis soumis à des essais; mais, l’ingénieur s’étant opposé à ce qu’il fût plongé dans l’eau par crainte d’oxyder l’enveloppe de fils de fer, ces essais ne pouvaient donner au point de vue de l’isolement que des résultats illusoires. Cependant on reconnut que plusieurs parties avaient été détériorées, soit par l’exposition au soleil, soit par les manœuvres qu’elles avaient subies; on fit des coupures, et l’on supprima beaucoup de soudures imparfaites; enfin l’état électrique fut sensiblement amélioré. Les actionnaires consentirent à accorder les fonds nécessaires pour fabriquer les 500 kilomètres supplémentaires que l’on jugeait prudent d’embarquer pour réparer la perte. Les administrateurs adjoignirent à M. Whitehouse, pour la partie électrique de l’entreprise, MM. le professeur Thompson, Walker, de la Société royale, et Henley, et ils invitèrent par une circulaire tous les ingénieurs et mécaniciens d’un talent reconnu à visiter la machine à émission et à donner leur avis sur la forme et la construction.

Au mois d’août 1858, l’Agamemnon et le Niagara reprenaient leur chargement, puis ils se rendirent dans la baie de Biscaye pour faire des expériences dans une région où l’on avait reconnu une profondeur de 4,500 mètres. Ils soudèrent les deux parties du câble l’une à l’autre, le laissèrent filer jusqu’à ce qu’il eût atteint le fond, échangèrent quelques signaux entre eux par ce conducteur immergé, et finalement le relevèrent sans accident. La seule altération qu’eût subie le câble fut l’écrasement de la couche de chanvre, interposée entre l’âme et l’enveloppe métallique. L’expérience prouvait