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IV.

Si l’Australie appartient à une formation géologique fort ancienne, l’Inde au contraire paraît d’origine beaucoup plus récente en raison du nombre relativement restreint des espèces végétales qu’elle renferme. Une pareille conclusion brouille un peu les idées que nous nous étions faites à ce sujet, car nous avons peine à nous imaginer que les contrées qui ont été le berceau de l’humanité, celles où notre espèce a pris pied dans ce monde sublunaire, soient postérieures à celles qui n’ont été découvertes que plus tard. Cela s’explique pourtant, pour peu que nous fassions abstraction de notre orgueil et que nous ne nous imaginions pas que le monde a été créé pour nous seuls. Puisqu’à chaque révolution géologique nouvelle les espèces animales et végétales vont en se perfectionnant, il est naturel que l’homme, qui est actuellement le type le plus parfait, se soit montré d’abord sur les continens de la dernière formation, l’Asie et l’Europe. Les continens les plus anciens, l’Amérique et l’Australie, encore peuplés des espèces produites par les créations antérieures, n’ont donc pu être connus de lui que bien après son installation sur le globe.

La production végétale de l’Inde est assez connue pour que je n’aie pas à m’y arrêter ; il me suffira de dire que la culture du coton et celle du thé paraissent y avoir fait depuis quelques années des progrès prodigieux, puisqu’à l’exposition de Londres on ne comptait pas moins de cent échantillons du premier et trois cents du second. L’Angleterre est donc rassurée sur son avenir. Que l’insurrection des Taï-pings triomphe du Fils du ciel, ou que la guerre fratricide des États-Unis anéantisse les plantations, elle trouvera dans l’Inde les deux produits d’où dépend son existence, et qui lui sont aussi indispensables l’un que l’autre.

L’Inde est extrêmement boisée. Outre ses jungles, qui, comme les maquis en Corse, sont la végétation spontanée du pays, et qui se composent d’arbustes et d’arbrisseaux de toute espèce formant des fourrés inextricables, elle possède encore de vastes forêts, dont la physionomie change à mesure qu’on s’avance des rivages équatoriaux de la Mer des Indes vers les croupes neigeuses de l’Himalaya. Les premiers arbres qu’on rencontre sont les palétuviers, qui s’avancent jusque sur les plages sablonneuses baignées par la marée montante, et les cocotiers, qui, à Ceylan et sur la côte du Malabar, couvrent presque tout le littoral ; viennent ensuite d’immenses forêts de teck, de bois de santal, d’ébéniers, de bambousiers, de man-