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Tasmanie, île voisine de Victoria, il faut mentionner d’abord l’acacia melanoxylon (blackwood) dont le bois noir, d’une grande beauté, a quelque analogie avec le noyer. Puis viennent les eucalyptus, dont les nombreuses variétés ont souvent été prises pour des espèces particulières[1]. À ce genre appartiennent le gommier rouge (red gum), le gommier bleu (blue gum), l’écorce de fer (iron bark), et une foule d’autres qui donnent des bois très précieux pour les constructions. Lorsqu’ils sont exposés à l’air quelque temps après la coupe, ces arbres se durcissent considérablement et deviennent très difficiles à travailler. Cette propriété, que n’ont pas ceux de la Nouvelle-Galles, est due à la solidification des gommes et résines contenues dans le tissu ligneux en si grande abondance que celui-ci en paraît inondé. Elles donnent à ces bois une durée remarquable et les rendent particulièrement propres aux constructions hydrauliques. Grâce à elles, les piles des quais et des jetées, dont la solidité est si souvent compromise par les ravages du taret, paraissent à l’abri de ces attaques. Ces ouvrages, dont la construction est extrêmement coûteuse (le quai de la baie de Hobson a coûté 4,500,000 francs), et qui nécessitent des vérifications fréquentes et dispendieuses, duraient en moyenne vingt années. Construits avec le red gum ou le stringy bark, ils auraient une durée presque indéfinie, le capitaine Ferguson ayant constaté que les piles des quais de Melbourne, qui datent de 1842 et 1846, sont encore intactes[2].

Ces précieuses essences fournissent encore des écorces très riches en tanin qui sont déjà l’objet d’un commerce considérable, puisque Victoria seule en a exporté en 1860 pour une somme de 134,000 fr. Elles produisent en outre des résines et des huiles essentielles dont on tire un grand parti. Ces huiles, employées soit pour l’éclairage, soit pour la fabrication du vernis, soit dans la parfumerie ou même dans la médecine, sont obtenues par la distillation des feuilles, dont la récolte, ordinairement faite par des femmes et des enfans, constitue pour ainsi dire les seuls frais de production. On évalue le rendement à 3 litres 1/2 d’huile par 100 kilogrammes de feuilles.

  1. Ce qui a sans doute contribué à cette confusion, c’est que les feuilles de ces arbres, qui sont persistantes et d’un bleu vert, changent de forme tous les trois ou quatre ans. Il existe dans les jardins de la ville de Paris, à La Muette, un eucalyptus globulus qui, du mois de juin dernier au mois d’octobre, s’est accru de près de 4 mètres. Selon toute probabilité, ces arbres pourraient facilement s’acclimater dans le midi de la France et en Algérie.
  2. Le capitaine Ferguson a fait de curieuses expériences sur la durée des diverses espèces de bois employés dans l’eau. Il a reconnu qu’avec la plupart des autres essences les attaques du taret diminuaient chaque année d’environ un quart de pouce le diamètre des piles. Une pile d’un pied de diamètre n’a donc plus au bout de vingt ans qu’une épaisseur de sept pouces, et n’offre plus la solidité nécessaire.