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quelques lignes au budget une pièce qu’on ne discute guère, ainsi que cela a suffi en 1832 pour élever une première fois cet impôt. Je remarque en passant comme une insigne facilité ce cadre du budget où tout peut entrer, ce passe-port qu’on ne vérifie pas toujours et qui peut couvrir tant de choses. On y met de tout, non-seulement de la fiscalité, mais du droit civil sous forme de prescriptions, de déchéances, des titres de propriété : les offices ministériels n’ont pas d’autre titre qu’un article de la fameuse loi de finances de 1816. C’est quelque chose que ce véhicule du budget qui va tout seul en quelque sorte, bien préférable pour innover au mécanisme bruyant et explicite d’une loi ordinaire.

Vous plairait-il de réglementer une disette? On peut avoir cette fantaisie quand on est souverain et affamé : on peut se la passer avec certaines lois qui datent de 1812, où vous verrez une police complète de la chose, par exemple une interdiction de vendre le grain ailleurs qu’au marché. On pourrait dans le même esprit exhumer certains édits du siècle dernier qui ont pour objet de restreindre la culture de la vigne : rien ne prouve qu’ils aient été abrogés. Il va sans dire que, si vous avez un grief contre le capital, vous pourriez le traiter d’agioteur et lui faire sentir le poids de tous les règlemens qui dorment quelque part sur les personnes et les choses de bourse.

Vous allez me dire que tirer une loi de sa désuétude, qu’appuyer une politique sur un fait isolé, un droit sur un pur accident, est chose pitoyable, qu’on ne gouverne pas, qu’on ne raisonne même pas ainsi. J’en tombe d’accord : quand on fait de l’exception la règle, on conclut du particulier au général, et l’on marche au bouleversement parle sophisme; mais enfin notre histoire, nos lois, notre administration sont telles qu’on y trouve tous les exemples, toutes les analogies, tous les textes et tous les instrumens dont on a besoin. Cela est grave : les masses investies de la souveraineté auraient là, pour l’ajouter à leur force, quelque chose comme une apparence de droit et de tradition, à coup sûr un outil de trempe officielle. Le nombre, pour en venir à ses fins, n’aurait pas besoin d’être violent et cynique, de professer crûment le droit du plus fort. Il lui suffirait de prendre çà et là quelques lois, leur donnant une extension nouvelle puisée tantôt dans leur texte, tantôt dans leur esprit, — quelques faits, leur prêtant une valeur générale, — quelque service public, avec un simple changement de direction. Il faut le dire à l’honneur des sectes les plus fantasques et des partis les plus outrés : tels qu’on les a connus jusqu’à ce jour, ils n’eurent jamais l’idée de cette rouerie. Ignorance ou droiture, ils émettaient tout haut des utopies franchement subversives, sans prendre garde qu’il