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penses sur ses revenus, tandis que l’état doit régler ses revenus sur ses dépenses. Comme il a charge de l’honneur et du salut public, permis à lui d’élever l’impôt à la hauteur de ces fins suprêmes : il s’informera ensuite des convenances et même des facultés du contribuable. Vers 1708, après tant de défaites qui livraient la France, Vauban vit démolir les maisons pour en vendre les poutres et arriver au paiement de l’impôt ; en 93, on requérait c’est-à-dire on prenait tout pour le service des armées. Tel est le droit extrême de l’état quand il défend la nation, et dont il garde quelque chose dans tous ses besoins. Parmi les communes, la question d’impôt se traite dans un esprit tout différent. Dès qu’il s’agit simplement de bien-être, de comfort, ménager le contribuable est le plus grand intérêt. On peut ruiner les gens pour les sauver de l’invasion, mais non pour leur procurer des fontaines et des trottoirs.

Ainsi rien ne ressemble moins aux finances de l’état que celles d’une commune, et la moindre différence est celle des chiffres. Maintenant, si l’on se place au point de vue moral, pour prendre une idée, non plus de ce qui borne, mais de ce qui déprave l’esprit communal, il suffit de voir comment est faite une commune souveraine et d’y considérer ceci : qu’elle appartient à un pouvoir unique, tandis qu’il y a pluralité de pouvoirs pour gouverner le pays. Chacun sait quelles sont les institutions élémentaires d’un peuple policé : pouvoir exécutif, assemblée élue, assemblée non élue, aristocratique à un titre quelconque, autant de forces qui se tiennent en échec les unes les autres, où s’établit l’équilibre, d’où se dégagent les lois et les mesures politiques avec l’équité nécessaire d’une transaction… Tout autre est le gouvernement d’une commune, électif sans doute, mais unique et touchant par l’unité à l’absolu, à l’arbitraire. Il n’est pas nécessaire, pour déployer ces vices, qu’un gouvernement soit celui d’un seul homme, d’un monarque ; il suffit que ce gouvernement n’ait à compter avec personne, qu’il soit sans contrôle et sans contre-poids : l’humanité fait le reste, dans la moindre commune aussi bien que sur un trône, et même ce qu’il y a d’électif dans le pouvoir communal est une vigueur de plus pour son despotisme.

Je me demande comment on apprendrait dans l’exercice de ce pouvoir les procédés, la modération et, si je puis m’exprimer ainsi, le savoir-vivre politique qui, dans un pays libre, caractérisent les différens pouvoirs de l’état dans leurs rapports respectifs, soit entre eux, soit avec le public. Rien n’est curieux par exemple comme l’histoire de telle loi anglaise : elle s’est faite en vingt ans, elle a voyagé d’un pouvoir à l’autre, chargée d’amendemens qui sont tantôt maintenus, tantôt abandonnés ; tout est lutte sans doute, mais tout est ménagement ; le roi lui-même est compté, un détail bizarre qu’on trouve dans les mémoires de sir Robert Peel. Telles sont les