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nie et unifiée. Ils appelaient, peut-être à tort, une force des choses ce qui n’en était tout au plus que la logique, cette logique qui, comme on sait, finit souvent par manquer aux événemens de l’histoire; ils comptaient peut-être un peu trop sur la sagesse des peuples et le désintéressement des princes, sur la résignation de M. de Metternich et l’humeur endurante du tsar Nicolas. Il est démontré dans tous les cas qu’ils comptaient complètement sans la catastrophe de février.


III.

Il serait peut-être aussi aisé que plaisant de démontrer le fonds d’ingratitude que cachent habituellement les imprécations tudesques contre la France, et d’établir à ce sujet un compte qui ferait voir les gains et profits de ceux qui ne cessent de crier à la ruine. Rien de plus ordinaire que d’entendre les Allemands accuser « le voisin perfide » de tous leurs mécomptes, attribuer de préférence à « l’ennemi héréditaire » (erbfeind) l’état fâcheux de leurs affaires. Et pourtant n’est-ce pas le « Gaulois » tant maudit qui a presque toujours donné, directement ou indirectement, l’impulsion aux esprits contemplatifs de l’autre côté du Rhin? L’oppression de Napoléon a eu pour les peuples germaniques l’heureux résultat de ranimer chez eux le sentiment de la patrie, qui se perdait dans les abstractions. L’éveil de 1840, après un long assoupissement, a été, lui aussi, et en grande partie, l’œuvre de la France. Quant à la révolution de février, de l’aveu des Allemands, elle leur rendit un service immense, ne fut-ce que par les frayeurs qu’elle leur inspira. Si en effet, et dans le premier moment, la proclamation de la république à Paris put sembler, même en France, inséparable à plus d’un esprit d’une propagande révolutionnaire à l’étranger, elle dut à plus forte raison susciter les mêmes appréhensions en Allemagne, et hâter par cela précisément l’œuvre des patriotes. Aussi les dangers de la frontière et les émotions intérieures furent-ils dès l’origine habilement exploités dans le sens des concessions libérales et du mouvement unitaire. Ceux-là mêmes que l’état agité de la France rassurait pour le présent n’en signalaient pas moins dans un avenir prochain des difficultés contre lesquelles la Germanie devrait s’armer de bonne heure de toute la vigueur patriotique que donnent les institutions libres, de toute la puissance politique et militaire que procure à une nation un pouvoir central fortement constitué. Le Journal allemand de Heidelberg, l’organe du grand parti national, exprima à ce sujet, et dès les premiers jours, les vues et les espérances des unitaires dans une page remarquable à plus d’un titre. Il croyait la France momentanément paralysée à l’exté-