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ment et se préciser dans les débats orageux du parlement de Francfort; à cette heure même, ils forment le credo hautement professé du National Verein.

Malgré les difficultés diverses de leur entreprise et le vague de leurs aspirations, les libéraux allemands de 1847 avaient des motifs bien légitimes d’espérance, et il était difficile de contester que les signes du temps ne leur fussent favorables à plus d’un égard. Certes ce n’était pas la bizarre « patente » que venait de publier enfin pour ses états Frédéric-Guillaume IV qui pouvait être de nature à les décourager ou à jeter du discrédit sur le régime parlementaire qu’il préconisait : elle ne servit qu’à en mieux démontrer les avantages. Cette œuvre personnelle du roi rappelait certaines constructions soi-disant originales de notre temps, qui, pour être flanquées de toutes parts de bastions et de tourelles gothiques, n’en cachent pas moins une habitation toute bourgeoise, et en font seulement regretter le comfort. Frédéric-Guillaume IV avait beau classer la représentation nationale en « curies; » elle n’en exprima pas moins le vœu du pays, et demanda à participer sérieusement aux affaires du gouvernement. Il avait beau se croire au milieu de nous ne savons quelle sorte de witenagemot composé de barons, chevaliers et vassaux; MM. de Vincke, d’Auerswald, de Camphausen, de Beckerath, de Schwerin, Hansemann, etc., n’en parlèrent pas moins comme de simples parlementaires, et charmèrent la nation par leur éloquence aussi bien que par leur esprit pratique. Déjà du reste à la tribune nouvellement improvisée de Berlin avaient retenti des paroles chaleureuses, frémissantes même, qui allaient au-delà de vœux constitutionnels pour la Prusse seule, et embrassaient les intérêts de la grande patrie commune. Déjà les chambres des états secondaires avaient discuté et adopté des propositions qui engageaient les gouvernemens respectifs à se concerter entre eux et avec les assemblées pour une réforme du corps germanique. Enfin on apprit que Frédéric-Guillaume IV lui-même avait chargé son ami intime et le confident de ses pensées, le général de Radowitz, d’une mission formelle auprès de M. de Metternich pour convenir avec lui de changemens notables à faire au pacte fédéral. Il était allé jusqu’à déclarer qu’il se passerait au besoin du concours et du consentement de l’Autriche. L’aspect de l’Allemagne à la fin de 1847 ressemblait assez à celui qu’elle offre dans le moment présent : on y pouvait constater une confiance absolue dans le triomphe prochain de la cause nationale malgré les difficultés et les complications passagères. Les libéraux ne doutaient pas que le régime constitutionnel ne fût tôt ou tard établi sérieusement à Berlin, que les états secondaires ne cédassent à l’impulsion donnée, et que la Prusse ne devînt par la « force des choses » le centre d’une Allemagne rajeu-