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changemens fondamentaux. Dès le principe donc et grâce à ce mode de votation, tout espoir fut ôté à une réforme des institutions fédérales, même dans un avenir lointain, du moins au moyen d’un procédé légal et par l’organe de la diète. De plus le prince de Metternich rendit à l’Allemagne le service signalé de faire insérer l’acte fédéral dans le traité de Vienne lui-même, c’est-à-dire de placer le mode dont fut constitué le corps germanique sous la garantie de toutes les puissances signataires du traité général de l’Europe et d’autoriser par cela ces puissances, entre autres la France, l’Angleterre et la Russie, à demander compte de tout changement essentiel qu’on voudrait apporter à l’organisation intérieure des états germaniques. Les puissances étrangères se le tinrent pour dit; elles usèrent de ce droit plus d’une fois, notamment pendant les essais de réforme unitaire depuis 1848, et certes elles ne songent pas à se désister pour l’avenir du précieux privilège. La France par exemple se montrerait par trop débonnaire si, en vue d’un déplacement notable de forces sur ses frontières, elle ne demandait pas des garanties, si elle renonçait à une ingérence aussi légitimée par le droit de conservation que par le droit écrit.

Le pacte fédéral de 1815, complété par l’acte final de 1820, a formé jusqu’à l’heure présente (avec une courte interruption pendant les années 1848-50) le droit public de la confédération, et il est facile de comprendre tout ce qu’il doit avoir de blessant pour le patriotisme des Allemands, — pour peu qu’on veuille bien se placer un instant à leur point de vue. Sans doute il est permis à l’étranger, au voisin, de se féliciter d’un tel état de choses et de saluer avec M. de Metternich « la création au centre de l’Europe d’une grande fédération défensive pour le maintien de la paix du monde; » mais qui donc blâmerait l’Allemand de gémir sur un tel rôle assigné à sa patrie, rôle naturel à un petit pays, humiliant pour une grande nation? L’homme est en général assez porté à considérer comme juste tout ce qui a l’avantage de lui être commode, et c’est ainsi qu’en France on est à peu près d’accord à trouver que tout est pour le mieux dans la meilleure des Allemagnes possible. Des voix éloquentes ne manquent pas ici pour prouver aux voisins d’outre-Rhin (comme on le faisait naguère encore à ceux de la péninsule transalpine) que le « noble » instinct du particularisme est l’essence même de leur nature et le mystère profond de leurs destinées. On les a adjurés plus d’une fois de ne pas donner un démenti à Tacite, qui dès le premier siècle de notre ère avait dit des Germains : Colunt discreti ac diversi;... on leur a adressé des appels chaleureux de vouloir bien se contenter d’être, comme par le passé, le foyer des lumières et le boulevard de la paix placé par la Providence au centre de l’Europe, — singulière paraphrase du hœ tibi erunt artes, pa-