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princes de la Tour-et-Taxis en possession du privilège des postes dans les états de l’empire. L’Allemagne devint ainsi, selon l’expression même de M. de Metternich, non pas un « état fédéré, » mais une « fédération d’états » indépendans l’un de l’autre, se mouvant chacun dans sa sphère plus ou moins propre, et reliés seulement entre eux par la vague obligation « de maintenir la sûreté extérieure et intérieure du territoire. » Encore, comme l’Autriche n’entrait dans la confédération que pour ses possessions allemandes, comme la Prusse aussi en exceptait non-seulement le grand-duché de Posen (territoire polonais ayant droit, d’après le traité de Vienne, à des institutions spéciales qui, il est vrai, ne furent jamais réalisées), mais deux de ses autres provinces, il fut évident que les grandes puissances se réservaient une pleine liberté d’action en dehors du corps germanique, qu’elles rendaient ainsi immobile et inerte, bon tout au plus pour servir de poids dans la balance dont elles formaient les plateaux. L’entrée dans la confédération de deux monarques tout à fait étrangers, le roi des Pays-Bas pour le grand-duché de Luxembourg et le roi de Danemark pour le duché de Holstein, ne fut qu’une anomalie ajoutée à tant d’autres, et ne servit qu’à démontrer de plus l’impossibilité absolue de toute action homogène et même de tout grand intérêt commun dans un assemblage d’élémens aussi disparates.

Il est vrai qu’une diète fédérale (Bundestag) instituée à Francfort et y siégeant en permanence, semblait destinée à pallier le vice du particularisme, si manifeste dans la constitution du corps germanique, et à donner une direction unitaire aux affaires collectives; mais les événemens prouvèrent bientôt que cette assemblée, impuissante pour sauvegarder l’honneur et les intérêts de la patrie à l’extérieur, n’était efficace que pour « généraliser » à l’intérieur les mesures les plus iniques d’oppression et de répression. Rien du reste de plus bizarre et de plus compliqué que la composition et le fonctionnement de cette assemblée célèbre. Les membres de la confédération, tous égaux en droit, y votent par leurs plénipotentiaires sous la présidence de celui d’Autriche. Une combinaison de dix-sept voix, réparties parmi les membres d’après l’étendue respective de leurs états, forme ce que l’on est convenu d’appeler le conseil restreint, qui s’occupe des affaires courantes. Une autre combinaison de soixante-dix voix (où chaque prince en a au moins une, et l’Autriche, la Prusse, les quatre royaumes chacun quatre) forme le plenum, qui délibère dans les cas extraordinaires, et qui seul en outre a le droit de décider des lois fondamentales ou des changemens de même ordre, d’institutions organiques ou d’autres arrangemens d’un intérêt commun. Les deux tiers des voix sont nécessaires pour former la majorité du plemim, et cette majorité elle-même ne suffit pas lorsqu’il s’agit de