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boutons en drap, velours ou soie se faisaient chez les tailleurs ou dans les ménages ; à cet effet, on avait des moules intérieurs ronds en bois, qui s’obtenaient au tour. Hors de là, l’aiguille pour coudre, la paire de ciseaux pour découper l’étoffe à la main, étaient à peu près tout l’outillage. Ainsi avaient été jadis d’autres fabrications que depuis quelque, temps on s’est accoutumé à considérer comme de la grande industrie. Dans l’antiquité et dans les états actuels de l’Europe, avant qu’on eût imaginé la fonte de fer comme produit intermédiaire, le maître de forges, ce puissant industriel avec qui nous avons vu après 1814 l’autorité royale obligée de compter sous les Bourbons des deux branches, était un artisan nomade qui construisait un petit fourneau là où le minerai se présentait à lui voisin du bois ; il s’entendait avec un bûcheron qui lui faisait du charbon. Son outillage se composait de quelques marteaux et d’un soufflet que l’on remplaça plus tard par la machine simple, faite de quelques planches, que dans les Pyrénées on appelle une trompe. Le changement qui a substitué le grand appareil des forges modernes, si puissamment outillées, à l’humble atelier du forgeron de l’empire romain, et à l’établissement restreint et mal outillé du maître de forges d’il y a cinquante ans ’ce changement, qui ressemble à une révolution, se poursuit présentement avec activité dans presque toutes les branches de l’industrie.

Le soulier, dans le genre commun, se fait aujourd’hui dans des manufactures qui en produisent chacune plusieurs milliers de paires chaque jour. Vous entrez dans la fabrique de M. Philippe Latour, à Liancourt, ou dans celle de M. Godillot, à Paris : on vous fait écrire votre nom sur un morceau de cuir, et puis une heure où deux après, quand vous avez parcouru la fabrique, on vous apporte une paire de souliers faite avec le cuir qu’on vous avait présenté, et vous retrouvez votre nom, tel que vous l’aviez inscrit, sur l’empeigne ou la semelle. Le cuir a subi, sans en manquer une seule, toutes les opérations qu’il traverse chez le cordonnier en chambre ou en boutique, et même quelques-unes de plus ; mais, dans la maison où vous êtes, chaque homme est assiste d’une machine. Une heure et demie a suffi pour accomplir ce qui par la vieille méthode, où tout s’exécute de main d’homme, aurait pris une semaine.

De même pour les boutons. On peut voir à Paris, près du bassin de la Bastille, dans la fabrique de MM. Weldon et Weil, de combien d’espèces de boutons le genre humain se sert depuis que les procédés mécaniques ont donné toute facilité pour diversifier les formes de l’article. Les boutons des uniformes militaires ; presque tous en métal, forment une famille innombrable quand on embrasse tous les peuplés civilisés, ainsi que le font ces habiles manufacturiers. Les boutons à l’usage des dames sont bien autrement nombreux,