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lumière nouvelle qui éclaire un peu plus l’obscur problème de nos destinées !

Je ne parle pas d’autres tentatives pour spiritualiser, comme on dit, l’économie politique, parce qu’elles n’émanent point d’économistes proprement dits. Il faut bien se garder, dans ce mouvement fort louable de rapprochement, de mêler les genres et de confondre les méthodes. La science économique se doit avant tout de rester elle-même. Il ne peut lui convenir d’abdiquer sa nature pour se faire accepter, et de subir une sorte d’amnistie à condition de se convertir. Son but est l’utilité, son objet la richesse, son moyen l’intérêt bien entendu. Que l’utile finisse par se confondre avec le juste et le saint, rien de mieux assurément ; mais s’il consentait à subir des influences étrangères, il cesserait de s’appartenir. L’harmonie finale n’en aura que plus de force quand chaque route y conduira plus librement. On peut ajouter à l’économie politique, la développer, la perfectionner, mais par les procédés qui lui sont propres : on ne doit pas songer à en changer l’essence.

Il y a près de trente ans que M. de Villeneuve-Bargemont a donné le premier exemple de cette prétention en écrivant son Économie politique chrétienne, comme s’il y avait une économie politique qui ne fût pas chrétienne. M. Périn ne tombe pas tout à fait dans le même tort ; son langage laisse pourtant percer de nombreuses réserves. Il se sert trop souvent de ces mots, qui jurent avec son sujet : industrialisme, mercantilisme, individualisme, rationalisme. L’industrialisme, c’est l’industrie ; le mercantilisme, c’est le commerce ; l’individualisme, c’est la liberté ; le rationalisme, c’est la raison. Il est bon de blâmer l’excès, mais il faut respecter l’usage. Que diriez-vous si nous vous répondions par les mots de superstition et de fanatisme ? Vous protesteriez, et vous auriez raison. Permettez-nous de protester aussi. Il ne suffit pas d’adopter les divisions de la science, il faut encore en prendre l’esprit. Au fond M. Périn est un économiste, un véritable économiste ; mais on dirait qu’il craint de l’avouer. À côté d’explications lumineuses sur le rôle du travail, de l’épargne, de l’échange, du crédit, de la concurrence, on trouve un reste de déclamations contre les intérêts matériels.

Le principe que le professeur de Louvain donne à la production des richesses est nouveau et quelque peu paradoxal, c’est l’esprit de renoncement chrétien. L’esprit de renoncement est le fonds du christianisme ; mais il n’agit que très indirectement sur la production, et, pris au pied de la lettre, appliqué comme règle universelle et absolue, il serait inconciliable avec elle. M. Périn développe en deux volumes cette donnée originale ; sur quelques points, il rencontre assez juste, car l’amour des richesses poussé à l’excès conduit