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troisième, blanche, plus cassante que les deux autres, et qu’on obtient en modérant la charge du charbon, est un produit excellent, très recherché pour la fabrication des aciers. L’arsenal de Turin a employé ces fontes pour les canons avec un avantage marqué sur celles des autres pays. À l’usine d’Allevard, dans le département de l’Isère, elles ont donné les résultats les plus satisfaisans pour les plaques de blindage des navires ; elles résistent, par leur composition nerveuse, à la force de pénétration du boulet, et lorsqu’il pénètre, la trouée est nette et franche, sans éclat ni déchirure, circonstance qui a été fort appréciée dans ces essais.

Par ses caractères physiques, le minerai des Hurtières présente une grande analogie avec celui des mines aciéreuses de Carinthie, appartenant à l’archiduc Maximilien, et par ses propriétés chimiques il se rapproche de celui des mines non moins célèbres du Stahlberg. C’est un carbonate de fer, ou fer spathique, à texture écailleuse et serrée, à reflets variés qui passent du gris bleuâtre au gris jaune et au blanc nacré, suivant la position que le minerai occupe au cœur du filon, au toit et au mur de la mine. L’analyse a trouvé 40 pour 100 de fer métallique sur du minerai cru, 46 sur du minerai grillé d’un an, et 47 sur du minerai grillé de trois ans. Il y a donc un avantage évident à le laisser vieillir au parc à mine.

En présence de l’anarchie qui a présidé à la conduite de ces exploitations séculaires, une question surgit naturellement dans l’esprit du lecteur : la mine des Hurtières n’est-elle pas près d’être épuisée ? Il suffit d’un coup d’œil jeté sur le plan dressé par les ingénieurs sardes pour répondre à cette objection, et dissiper les craintes qu’elle fait naître. Il résulte de ce plan que les excavations pratiquées sur la couche fertile pendant cinq siècles n’en ont emporté que la moitié. La partie encore intacte présente une masse à extraire d’un cube de 1,100,000 mètres. Le mètre cube pèse 3,700 kilogrammes. Il reste donc près de 4 millions de tonnes de minerai cru que le grillage et les autres préparations réduisent à 2 millions. Si l’on réfléchit que les hauts-fourneaux les mieux organisés ne consomment pas au-delà de 8,000 tonnes par année, on conviendra que la mine peut encore alimenter plusieurs hauts-fourneaux pendant plus d’un siècle, indépendamment des champs nouveaux qu’une exploitation puissante et centralisée découvrirait très probablement, si l’on fouillait la montagne plus près de sa base. Il y a en outre dans la Maurienne, à des distances qui varient de 5 à 30 kilomètres, un grand nombre de filons de fer spathique et oligiste qui fourniraient une consommation pour ainsi dire inépuisable à l’industrie la plus active.

Ce n’est pas sur le minerai, mais sur l’approvisionnement du