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entre autres, d’obliger l’état à former un personnel instruit et des ingénieurs exercés pour conduire les exploitations, et comme il n’y avait pas d’école des mines dans le pays, les souverains de Savoie envoyèrent, dès la fin du XVIIe siècle, des jeunes gens à la célèbre école de Freiberg, en Saxe. L’un d’eux, cadet d’une famille patricienne du Piémont, le chevalier Nicolis di Robilante, imprima une impulsion remarquable aux études minéralogiques et aux industries métallurgiques. Il a laissé de savantes analyses des minerais de la Savoie connus de son temps, et les travaux des ingénieurs français pendant l’occupation de 1792 à 1815 n’ont pas fait oublier ceux de l’ingénieur piémontais.

Le gouvernement sarde avait abandonné partiellement le système de la régie, quand la révolution éclata. Parmi les principes proclamés à cette époque et considérés depuis comme autant d’axiomes infaillibles invoqués par les partis les plus opposés, on est étonné de rencontrer celui qui anéantit la distinction si utile entre la propriété du sol et belle du sous-sol. La loi du 21 juillet 1791 déclara le second indissolublement uni au premier. Si l’on avait tiré de cette déclaration toutes les conséquences qu’elle renfermait, la législation sur les mines aurait été ramenée au point où l’avait trouvée la maison de Savoie, et toute exploitation régulière serait devenue impossible sur une mine morcelée à l’exemple du sol. L’énergique bon sens de Mirabeau lui fit entrevoir la conséquence, et à sa voix puissante rassemblée législative recula et introduisit des exceptions qui limitaient le principe qu’elle avait posé dans l’article 1er. Cette loi eut néanmoins des effets désastreux que M. Sauzet résumait dans les termes suivans, quarante-sept ans après, à la chambre des députés. « La loi de 1791, dit-il, porta des fruits amers. Elle avait trop fait pour la propriété privée. Elle permit de morceler le tréfonds à l’exemple de la surface, et comme les couches souterraines n’avaient dans leur distribution aucun rapport avec la surface, il en résulta le gaspillage des mines par le nombre indéfini des exploitations, des frais immenses sans utilité, et aussi l’impossibilité des aménagemens convenables, lesquels ne peuvent s’établir dans des espaces aussi restreints. »

La réaction contre cette loi ne se fit pas attendre. Commencée par un arrêté du directoire du 3 nivôse an VI, qui soumit toutes les exploitations au contrôle de l’administration, elle aboutit à la fameuse loi du 4 avril 1810, qui régit encore aujourd’hui la matière. Le principe de la séparation reparut triomphant et dans toute sa force. Napoléon le faisait ressortir dans la séance du 21 octobre 1808 du conseil d’état avec ce ton d’autorité tranchante qui lui était habituel : « La découverte d’une mine, dit-il, crée une propriété nouvelle ;