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conservées que celles de la période romaine, conduites à la pointerole, antérieures par conséquent à l’emploi de la poudre.

Les anciennes chroniques font honneur à la maison de Savoie de l’expulsion des Sarrasins. Un chevalier saxon, qu’on a donné jusqu’à ces derniers temps pour la souche de cette illustre maison, arriva au XIe siècle par la vallée du Rhône et le bassin de Chambéry, et pénétra dans la Maurienne en remontant le cours de l’Isère et de l’Arc. Parvenu à la hauteur d’Aiguebelle, à l’endroit où la vallée profonde coupe le second massif de protogine de la Savoie, il regarda autour de lui, dit la plus ancienne chronique du pays en langue française, « et vit à mi-lieu de la vallée, vers l’entrée de la Maurienne, une roche haute, rouste et âpre au monter. — Que vous en semble ? dit-il à ses compagnons. Ce lieu me plaît moult, car à peu de frais ce lieu serait imprenable. — Et subitement il fit édifier un château qu’il appela Charbonnières. » C’est là, sur ce roc illustré plus tard par des sièges mémorables, par Lesdiguières, Sully et Henri IV, que fut posée, comme un nid d’aigle, la première forteresse de la maison de Savoie ; c’est de là qu’elle a pris son vol étonnant, d’abord au nord et à l’ouest, sur la Suisse et la France, où elle parut un moment, au XIVe siècle, asseoir pour toujours sa domination, ensuite au midi, sur la plaine italienne, où sa nouvelle fortune, prodigieusement agrandie, est un sujet de crainte ou d’espérance pour une grande fraction de la famille humaine.

Son histoire est étroitement liée à celle des mines en Savoie. Dès les premiers temps de son apparition sur ce théâtre restreint, elle intervient dans la propriété et l’exploitation ; elle intervient en simple particulier par des ventes, des achats, des échanges et des partages ; puis, son autorité ayant prévalu sur celle des grands vassaux, elle accorde des inféodations, des investitures, des permissions de recherche et des concessions d’exploitations, établissant ainsi un droit nouveau inconnu à l’antiquité romaine, le droit régalien sur les mines. Elle sème sa route de ces curieux actes sur lesquels la main de l’archéologue ne se pose pour la première fois qu’en tremblant. Les titres concernant les mines servent à éclairer l’obscure histoire de ses agrandissemens, et à l’aide de ces documens on peut la suivre étendant sa domination de vallée en vallée. La multiplicité de ces vénérables débris du passé témoigne des préoccupations que fit naître dès le moyen âge la richesse enfouie dans nos montagnes.

Ces préoccupations, il faut le dire, n’étaient pas exemptes d’illusions : on était persuadé de l’existence de gisemens aurifères. Dans les concessions souveraines ou seigneuriales, l’or figure toujours à côté des métaux moins problématiques, l’argent, le cuivre, le fer et le plomb. Cette illusion, si c’en est une remonte à l’antiquité, et