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les eaux de la Doire pour l’irrigation de leurs champs, selon la méthode encore en usage aujourd’hui. Les uns et les autres eurent bientôt à se repentir de n’avoir pas lavé leurs minerais et arrosé leurs champs en famille. Les Romains, établis au débouché de la vallée, à Ivrée, où ils avaient une colonie, intervinrent dans ces querelles, refoulèrent les Salasses, et d’avides entrepreneurs, accourus sur les pas des légions, s’emparèrent des mines comme des champs. Les montagnards défendirent longtemps leur indépendance et leurs biens. Retranchés dans ces défilés où la maison de Savoie trouva le berceau de sa fortune, ils y accablèrent l’ennemi sous des avalanches de blocs de rochers. L’armée de Décius Brutus, celle de Messala Corvinus durent payer tribut. Comprenant alors l’importance de ces passages pour la conservation de ses conquêtes dans les Gaules, Rome tenta un effort suprême contre les Salasses l’an 18 avant l’ère chrétienne. Térentius Varron, général d’Auguste, s’établit, avec trois légions formées à la guerre des montagnes, dans un camp retranché, devenu plus tard la cité d’Aoste ou d’Augusta. De cette base d’opérations, qui s’appuyait elle-même sur la colonie d’Ivrée, il lança ses légions contre les montagnards et leurs alliés du versant opposé, qui furent vaincus et vendus à l’encan. Les Centrons, qui occupaient le versant occidental depuis le petit Saint-Bernard jusqu’à Albertville, subirent le même sort, et leurs mines passèrent aux Romains. Un favori de l’empereur eut les mines de cuivre que Pline place dans les Alpes centroniques, et qui ne peuvent être que celles de Macôt en Tarentaise, où l’on a en effet découvert d’anciennes galeries sur un filon de cuivre. Le naturaliste latin appelle ce cuivre sallustien, du nom même du propriétaire. Le favori ainsi récompensé serait donc l’historien des guerres numidiques, Salluste, ce courtisan lettré qui s’efforça de couvrir des formes austères du langage de la vieille Rome son servilisme devant le rusé dominateur de la république romaine.

Les exploitations des Romains sont, nous l’avons dit, presque toutes dirigées sur le cuivre. Dans la mine de Macôt, deux galeries, découvertes en 1828, coupent à angle droit le filon de plomb argentifère sans s’y arrêter. On ne s’est pas expliqué d’abord la destination de ces travaux, qui ne tenaient nul compte de l’argent et du plomb, aujourd’hui la véritable richesse de Macôt ; mais l’explication de cette singularité a été fournie en 1861 par la découverte d’un filon de cuivre que ces galeries atteignent à une grande profondeur. Cette préférence des Romains pour le cuivre s’explique aussi par l’immense consommation qu’ils en faisaient. Il entrait simple ou composé dans les instrumens d’agriculture, les équipemens militaires, les constructions de la marine, dans l’ornementation des temples