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basses, de Bourg, de Grenoble ou de Turin, l’abaissement est plus rapide : de 200 à 600 mètres, il est d’un degré par chaque élévation de 116 mètres, et de 600 mètres jusqu’au sommet des montagnes le même abaissement n’a lieu que tous les 247 mètres. Le rapport entre la température et l’altitude n’est pas le même en hiver et en été : il faut monter en janvier 229 mètres et en juillet 142 seulement pour faire tomber le thermomètre d’un degré. L’explication de la différence est dans le fait qu’en été le fond de la vallée s’échauffe pendant que les hauteurs sont constamment rafraîchies, et qu’en hiver la température est plus uniformément basse dans la vallée et sur la montagne.

Avec la température, toutes les autres conditions météorologiques d’un climat, humidité, évaporation, densité de l’air, électricité, sont successivement modifiées en raison de l’altitude barométrique, et avec le climat se modifient aussi toutes les productions du sol : au sommet de la montagne, celles des plaines froides de la Laponie ; sur le versant, celles des pays tempérés, et à la base, sur un sol constamment enrichi d’alluvions au détriment des hauteurs et exceptionnellement réchauffé par la concentration de la chaleur, des splendeurs de végétation qu’on est étonné de rencontrer si près de la région des neiges et des glaciers.

Dans les vallées étroites, le sol en plaine acquiert, sous l’action combinée de la chaleur et de l’humidité, la fertilité des terrains vierges ; la végétation s’y développe avec une puissance qui rappelle les tropiques ; d’énormes noyers abritent les villages, et des châtaigniers aux proportions gigantesques garnissent les premiers gradins de la montagne. Cette exubérance de vie contraste singulièrement avec l’aridité des sommets dénudés, percés d’affleuremens de roches grises ou couverts de maigres pâturages et de forêts maladives. Ce contraste est le résultat des forces de la nature et du travail inintelligent de l’homme. Chaque année, la région supérieure livre une partie de ses élémens à l’avalanche et au torrent qui les entraînent avec fracas, ou à l’action lente et insensible des vents violens qui mordent sans cesse les surfaces élevées. L’homme vient en aide à ces forces aveugles par le déboisement qui facilite le rapide écoulement des eaux, par les cultures qui leur préparent un sol tout ameubli, et le pied des animaux, en déchirant le tapis des pentes gazonnées, les dispose aux érosions pluviales.

Pour avoir une idée du mouvement des terres qui s’opère dans la région alpestre, il faut assister à l’étrange et bruyant spectacle que présentent les deux versans de la vallée pendant les pluies chaudes du printemps. L’hiver a chargé les sommets d’une couche de neige de plusieurs mètres d’épaisseur ; les vents d’Afrique ont soufflé,