Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des diplomates étrangers la conviction que l’importance de la Savoie ne méritait pas les alarmes excitées par l’annexion à la France. Nous ignorons si cette conviction s’est faite, si les défiances sont partout tombées. Un résultat moins incertain s’est produit : l’argument à l’adresse des puissances étrangères, a été apporté, avec des commentaires variés et parfois blessans, par chaque nouveau compatriote arrivant dans les provinces annexées. La Savoie s’est sentie humiliée ; les sympathies qui l’avaient entraînée vers la France se sont tout à coup arrêtées devant l’opinion venant à elle chargée de notions fausses et épigrammatiques dont l’esprit des fonctionnaires eux-mêmes n’a pas toujours su s’affranchir ; des froissemens ont eu lieu qu’il serait imprudent d’ignorer ; des blessures vives ont été faites à l’amour-propre national, cachées aujourd’hui et sans danger, mais non cicatrisées.

Le remède à une situation fâcheuse qui peut empirer sous l’influence de certains événemens, ce remède est dans l’estime de la France pour un petit peuple désormais enfermé dans ses limites ; mais on n’estime que ce que l’on connaît. Des études consciencieuses, équitables et sympathiques offrent donc un intérêt général. La vie de ce peuple, son caractère, ses aptitudes diverses, les conditions physiques du pays qu’il habite, les phénomènes grandioses du climat, les forces productives du sol, les richesses minérales cachées dans les montagnes, sont autant de sujets qui intéressent également la politique, la science, l’agriculture et l’industrie, et nous ne croyons pas entreprendre une tâche inutile en essayant de répondre à ces divers ordres de questions.


I

La superficie de la Savoie est de 1,147,402 hectares. Très élevé dans les parties appuyées contre les hautes Alpes, que les anciens ont nommées Pennines, Grecques et Cottiennes, le sol s’abaisse graduellement, du côté de la Suisse et de la France, jusqu’au niveau des plaines ouvertes de l’Ain et de l’Isère. Il est formé d’un massif de montagnes reliées à la chaîne centrale par un système compliqué de contre-forts et de chaînes secondaires soulevés par la même explosion des forces primitives du globe. La première impression qu’éprouve le spectateur placé sur un point culminant est celle d’un pays glacé et nu. Le regard ne rencontre d’abord que des surfaces désolées, des sommités aiguës des rochers dont les flancs déchirés mettent à découvert les secrets de leur formation géologique ; mais à mesure qu’il s’abaisse, l’aspect change, la vie apparaît, la végétation déroule ses zones vertes sur les versans. Au pied des grands