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du territoire et assurer l’effet de la domination de l’amiral Page sur le Don-naï. Il était permis de penser que l’armée annamite, serrée de moins près à Tong-kéou par la flottille, assurée d’une ligne de retraite passable vers le nord, puis vers les provinces du sud, renouvellerait à Tong-kéou la défense qu’elle avait faite à Ki-hoa. Chacun en regardant près de lui pouvait trouver un vide, et l’armée prenait en considération un ennemi qui venait de lui faire subir des pertes si cruelles.

L’artillerie sortit la première, et malgré quelques malencontres (un caisson qui tomba dans un trou de loup), à six heures, le 28 février, les quatre canons de douze, les trois canons rayés de 4, les cinq obusiers de montagne et les fuséens se trouvaient déployés en bataille hors du camp. L’infanterie sortit à son tour par l’étroit débouché pratiqué dans le rempart, et à six heures et demie l’armée se mit en marche. L’artillerie était au centre, elle avait à droite les chasseurs à pied et l’infanterie espagnole, à gauche l’infanterie de marine. Les marins formaient la réserve.

L’action s’engagea entre les tirailleurs annamites et les chasseurs d’Afrique, lancés en éclaireurs. Le fort de Tong-kéou était alors à 1,500 mètres de la colonne. À cette distance, on en distinguait parfaitement l’enceinte, le terrain sur lequel elle est bâtie dominant légèrement la plaine. Les grands bâtimens qui se trouvaient à l’intérieur, un cavalier armé de canons, donnaient à l’ouvrage un air considérable. L’armée s’arrêta, et l’artillerie se forma en bataille ; son tir fut distribué à l’avance de la manière suivante : trois obusiers de montagne furent dirigés sur la droite, en dehors d’un petit massif d’arbres qui voyait le fort de très près. Les fuséens envoyèrent leurs fusées sur les grands bâtimens ; le 12 concentra son feu sur le Grand-Mirador ; le 4 et deux obusiers de montagne devaient tirer sur toutes les embrasures d’où partiraient des coups de canon. L’amiral, voulant épargner les troupes, rudement éprouvées par l’assaut du 25, et modifiant sa méthode d’attaque d’après la nature de l’ouvrage, qui présentait du relief et comprenait des magasins et un cavalier important, avait décidé que l’artillerie aurait dans cette journée le principal rôle. Elle se porta en avant, par batteries, au trot, et fit trois stations, à 800, à 600 et à 200 mètres. Son feu, précis et très vif, prit rapidement une supériorité marquée, et la fusillade des gingoles, d’abord assez nourrie, s’éteignit au bout de cent cinquante coups de toute espèce. Le feu de l’ennemi n’avait pour objet que de masquer la retraite d’une réserve d’environ huit cents hommes. L’infanterie, qui avait suivi les canons en s’avançant d’une manière Successive, s’établit dans le fort et dans le village qui lui était adossé.