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porte pratiquée au pied de la perpendiculaire établit en temps ordinaire la communication entre les deux enceintes. Le compartiment de gauche prend le nom de Camp du Mandarin, du nom d’un réduit qui s’y trouve, et dont les défenses accessoires sont décuplées. Le compartiment de droite est battu par le compartiment de gauche, c’est-à-dire par la courtine et les redans, et en troisième lieu par un fort situé dans une encoignure, à l’extrémité de la diagonale de l’enceinte de droite.

L’armée expéditionnaire se heurta à la droite, au centre, puis à la gauche de la ligne ennemie, une partie des troupes (infanterie de marine) s’étant portée sur le saillant de gauche et ayant formé une troisième attaque. Si le sort de ces trois chocs eût été le même, si la ligne eût été rompue en ces trois points au même moment, l’ennemi, se voyant entamé d’une force égale, eût cédé d’un seul coup au lieu de céder par des mouvemens successifs, à droite d’abord, à gauche ensuite ; mais le choc de la colonne de droite fut si furieux qu’elle défonça la ligne en un quart d’heure : les autres attaques en durèrent trois[1]. Les marins débarqués et les Espagnols, qui combattaient ensemble ce jour-là, entrés dans l’enceinte une demi-heure avant les autres colonnes, restèrent pendant ce temps pris comme dans un piège. Leur contenance fut héroïque, et leurs efforts, détournant une partie considérable des ressources de l’ennemi, furent d’un puissant secours pour les attaques du centre et de la gauche.

L’amiral se tenait à cheval, très exposé, devant les premiers trous de loup. Les chasseurs de son escorte avaient presque tous été touchés. Près de lui se tenaient son chef d’état-major général, le contre-amiral Laffon de Ladébat, et le chef d’escadron d’état-major de Cools. Les réserves venaient d’être envoyées en renfort à gauche, au centre, mais surtout à droite, où le feu redoublait d’intensité[2]. Les bagages n’étaient plus gardés que par une demi-compagnie ; les trois obusiers de montagne qui devaient enfiler la face du camp annamite étaient à peine soutenus. En ce moment, la lutte, par le temps qu’elle durait, par le redoublement de violence de l’attaque et de la défense, prenait un caractère sinistre et de plus en plus acharné. Les cris avaient depuis longtemps cessé : la crépitation non interrompue de la fusillade, le bruit aigu des balles, quelquefois, mais rarement, l’imprécation ou le cri de douleur d’un mourant, attestaient seuls le choc furieux de deux volontés, l’acharnement

  1. « Le commandant du génie, voyant l’énergie de l’attaque, qui durait depuis trois quarts d’heure, diminuer… » — Rapport du chef de bataillon du génie Allizé de Matignicourt sur la journée du 25 février 1861.
  2. La 6e et la 7e compagnie de chasseurs à pied prirent part à l’attaque de gauche ; la 8e soutint trois pièces de montagne à droite.