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était sur pied depuis quatre heures du matin, le sac au dos. Elle avait marché dans la poussière, puis dans un terrain difficile, et livré un assaut sous une chaleur déjà accablante. Ce repos était indiqué par la prudence autant que par l’humanité. On savait que le soleil de Saïgon était un puissant auxiliaire pour les Annamites, et qu’il développait d’une manière foudroyante les germes de la peste marécageuse.

À trois heures, on sonne le réveil, puis la marche du bataillon. Une compagnie d’infanterie de marine et un obusier de montagne sont laissés au fort de la Redoute : ils assureront nos derrières et permettront de continuer à nous appuyer sur la pagode de Caï-maï. L’armée se met en marche : l’artillerie est au centre, en colonne par batteries ; l’infanterie est sur deux colonnes par sections, une colonne à droite, une colonne à gauche. Sur un sol uni et résistant, couvert d’un lichen très ras, où les roues des caissons et des chariots ne rencontrent plus d’obstacles, où le pied s’appuie avec une sorte de plaisir, nous prolongerons par une marche de flanc, hors de portée de son artillerie, les revers de l’ennemi. L’armée va se rapprocher du but qu’elle poursuit : ce soir, elle campera devant la face occidentale du camp des Annamites, sur la ligne même de leur retraite.

Vers quatre heures, une troupe dont il fut assez difficile d’estimer le nombre à cause des taillis d’où elle sortait, parut sur notre droite, banderoles déployées, avec des éléphans de guerre. L’armée annamite voulait-elle essayer d’arrêter notre mouvement, qui compromettait de plus en plus sa ligne de retraite, ou commençait-elle à faire filer ses éléphans, ses chariots, ses gros bagages ? On n’a jamais bien su ce que signifiait cet épisode de la campagne. Le corps annamite se rapprochant, le feu s’engagea avec nos tirailleurs. Le commandant en chef fit porter trois obusiers de montagne et trois pièces de 4 en avant et à droite ; leur feu eut un plein effet. L’ennemi s’arrêta, puis rentra dans son camp.

L’armée avait fait halte pendant ce petit engagement ; elle se remit en marche et arriva vers six heures sur le lieu choisi pour le campement, c’est-à-dire en plein sur les derrières de Ki-hoa. En cet endroit, la nudité de la plaine cessait ; quelques bouquets d’arbres et des bois taillis s’élevaient çà et là. Des maisons ruinées formaient un petit village adossé contre les arbres et situé à une distance d’environ 2 kilomètres de l’ennemi. L’amiral établit son quartier-général dans une de ces maisons abandonnées. En ce moment, les grosses pièces de Ki-hoa envoyèrent quelques coups bien dirigés sur le village ; un boulet traversa le toit du quartier-général, et une fusillade des plus nourries partit des bois taillis sur notre bivac. L’infanterie occupait la lisière du bois. Elle resta un instant exposée