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les pièces de 4 et de montagne, les fusées, sur les deux redans voisins. Le feu se règle en quelques instans et devient très précis. La ligne annamite, quoique placée par la faiblesse de son calibre dans des conditions inférieures, se couvre de fumée et redouble de résistance. Le feu est vif, mais l’action, n’est, à vrai dire, engagée que pour l’ennemi.

Toute l’armée a débouché dans la plaine ; elle marche par bataillons en colonne. Ce combat d’artillerie a permis à l’infanterie de reprendre haleine. L’ordre est donné de diminuer les distances de moitié. Les pièces de montagne partent au grand trot malgré les tumulus et les tombeaux, et se placent à 500 mètres de l’ennemi. Les pièces de 4, les fuséens, les pièces de 12, continuent la manœuvre par un mouvement successif. L’infanterie arrive sur la nouvelle ligne. Une reconnaissance pratiquée la veille avait fait reconnaître l’existence d’un marais qui bordait la plaine à gauche, près du fort de la Redoute. L’infanterie, pour l’éviter, oblique un peu trop sur la droite. Malgré le léger retard provoqué par cette circonstance et le chevauchement qui en est la suite, l’armée se trouve en position peu de temps après que le second engagement d’artillerie a commencé. Deux colonnes d’assaut sont formées. Celle de gauche est formée de marins débarqués ; elle est commandée par le capitaine de frégate Desvaux et dirigée par le capitaine du génie Galimard. La colonne de droite se compose d’une section du génie, de deux compagnies de chasseurs à pied, de l’infanterie espagnole, de l’infanterie de marine ; elle est commandée et dirigée par le chef de bataillon du génie Allizé de Matignicourt.

À la distance de 500 mètres, les projectiles de l’ennemi arrivent en grand nombre dans les rangs français et espagnols. Le tir des Annamites est bon en hauteur et en direction. Les pièces du fort, les fusils de main et de rempart tirent à outrance. Partout où le groupe formé par l’amiral, son état-major et son escorte, s’arrête, le feu se concentre et devient acharné. En quelques minutes, plusieurs servans d’artillerie et des chevaux sont atteints. Le peu de distance qui nous sépare de l’ennemi a diminué la supériorité des armes de précision, et quoique notre feu soit très bien mené, qu’il soit accéléré et supérieur, l’action dure depuis longtemps, et la résistance de l’ennemi ne paraît ni abattue ni découragée. Nos pertes augmentent : le général de Vassoigne, le colonel espagnol Palanca y Guttierez, l’aspirant Lesèble, sous-lieutenant de la compagnie de la Renommée, sont grièvement blessés. L’amiral prend le commandement direct des troupes ; il donne le signal, les colonnes s’ébranlent, les pièces de montagne les protègent sur les ailes. Une compagnie de marins fusiliers est lancée en tirailleurs en avant de la colonne de gauche, une compagnie de chasseurs en