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de Surville[1]. Les équipages qui passaient sous les ordres de cet officier avaient fourni des compagnies au corps de débarquement, des servans aux pièces rayées des pagodes. Pendant vingt jours, courbés sur les avirons depuis le matin jusqu’au soir sous un ciel dévorant, ils avaient remplacé le matériel roulant considérable qu’exige une armée, même petite. Ils allaient entendre la canonnade et la fusillade ; ils ne connaîtraient de la lutte que le transport des blessés, qu’il faudrait secourir et consoler. Ce rôle exigeait un grand esprit de dévouement. Le commandant de la marine sut le faire supporter sans amertume et sans impatience.

Une première reconnaissance, commandée et dirigée par le lieutenant-colonel Crouzat le 13 février, avait appris que le seul débouché praticable pour l’artillerie se trouvait en avant et à gauche de Caï-maï, qu’il aboutissait à un terrain ferme, situé à environ 1,000 mètres des lignes ennemies. Les travaux indispensables pour aplanir ce débouché furent exécutés par la compagnie de l’Impératrice-Eugénie sous un feu assez gênant, mais qui ne toucha personne. Le génie dirigeait ces travaux et y prenait une part active. Le 19 février, vingt fusées incendiaires de la marine de 125 millimètres et trente-deux fusées de l’artillerie de terre de 9 centimètres à chapiteau rouge furent lancées de la pagode Barbet à une distance approximative de 5 kilomètres sur le camp de l’ennemi pour le troubler et l’inquiéter. Le 21 et le 22 février, la pagode de Caï-maï, sur laquelle devait s’appuyer l’armée dans son mouvement tournant, reçut un approvisionnement double pour les bouches à feu et cinquante mille cartouches d’infanterie.

Le commandant en chef fit alors connaître à l’armée que le moment était proche. Il lui dit qu’elle allait porter la guerre à l’empereur des Annamites, mais non aux Annamites. Il mit le peuple inoffensif, ses biens et son commerce, sous la protection de l’armée de Cochinchine. Toutes les dispositions étant assurées, les dernières troupes arrivées, le commandant en chef ordonna que l’attaque des premières lignes aurait lieu dans la matinée du 24 février.


IV

À quatre heures du matin, les clairons sonnent aux drapeaux. La nuit est encore sombre ; le jour, comme dans tous les pays tropicaux, ne se fera qu’aux approches de six heures. C’est au milieu de l’obscurité que les troupes prennent leurs postes. Avant de partir,

  1. Le capitaine de vaisseau d’Aries, pendant l’absence de l’amiral, eut le commandement supérieur de toutes les forces qui restaient à Saïgon, sur terre et sur eau.