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Malheureusement une partie de ces navires atteignaient leur quatrième année de campagne, quelques-uns entraient dans la cinquième. Le matériel de ces derniers bâtimens était en mauvais état, les chaudières de quatre grandes canonnières et de trois avisos tombaient en ruine ; mais les équipages étaient bons, les officiers excellens, rompus par quatre ans de guerre, usés si l’on veut, mais non à bout, animés d’un souffle héroïque. Parmi ces officiers, partis de France depuis si longtemps, quelques-uns, lors de leur arrivée en Chine, n’étaient que des adolescens. Ils avaient vieilli dans ce dur labeur, ne connaissant de la France que quelques planches qui la représentaient et qui les portaient, ignorant les mœurs des peuples qui défilaient sous leurs yeux, ou, comme tous les marins, ne s’en souciant guère. Rien de ce qui fait battre le cœur d’un homme de vingt-cinq ans ne les troublait. Ils s’occupaient de tout autre chose. Ils parlaient de leurs expéditions de guerre, des coups brillans accomplis dans leur métier, où certains d’entre eux excellaient, et du tableau d’avancement. Aucun d’eux n’était jeune ; ils avaient comme un air uniforme de virilité et d’activité : ceux qui eussent été frivoles ailleurs avaient ici quelque chose de vieux ; les autres, arrivés à l’âge où la plupart des hommes sont désireux de repos, étaient remplis d’ardeur. Ils étaient sensibles à la gloire, à l’honneur d’augmenter leur réputation de marins, et formaient une solide réunion militaire, dissoute aujourd’hui, et que les mêmes circonstances ne reproduiraient peut-être pas. Sans trop chercher, on pouvait trouver parmi eux des hommes de mer, des hommes de guerre, des hydrographes, des capitaines de trente ans que la main heureuse du commandant en chef avait choisis, et qui battaient sans cesse cette mer orageuse de Chine, atterrissant par tous les temps à Shang-haï, dont les approches passent pour les plus difficiles du monde. Le choix, s’exerçant continuellement au milieu de l’action, avait fourni presque à chacun sa voie. Un chef pouvait s’appuyer avec confiance sur de tels hommes. L’annonce d’une expédition dont