Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personne, le théâtre de l’Opéra-Comique a remis en scène, dans le cours du mois dernier, la Dame blanche de Boïeldieu. Ce délicieux ouvrage est monté avec soin, et un nouveau ténor, M. Léon Achard, y a débuté dans le rôle de George Brown. Si Mme Galli-Marié nous vient de Rouen, M. Léon Achard a été enlevé au théâtre de Lyon, où il faisait la pluie et le beau temps, comme on dit. Il est fils du comédien Achard qui a longtemps brillé sur les petits théâtres de Paris. Élève du Conservatoire, M. Léon Achard a figuré pendant quelque temps dans le personnel du Théâtre-Lyrique, et puis il est allé acquérir en province la réputation qui lui a valu d’être appelé à l’Opéra-Comique. La voix de M. Achard est un vrai ténor. Il monte jusqu’au si supérieur sans amortir l’éclat des notes supérieures et sans avoir recours à ce qu’on appelle la voix de tête, dont il se sert peu. Il chante avec chaleur, avec sentiment, et, s’il lui manque un peu de distinction comme comédien, il est assez intelligent pour s’en apercevoir. M. Achard, qui a fort bien réussi d’ailleurs auprès du public parisien, n’a plus qu’à se défendre contre les éloges exagérés qu’on lui adresse déjà. Que la destinée de M. Montaubry lui serve d’exemple et le préserve de l’afféterie et du mauvais goût qui sont les défauts endémiques de tous les chanteurs que la province nous envoie. Mlle Cico est tout à fait charmante dans le rôle d’Anna, qui convient à sa taille élancée et à sa jolie figure d’une expression un peu mélancolique. Sa belle voix de soprano très exercée, mais d’un timbre trop solennel dans les notes supérieures, s’y développe aussi aisément que dans Lalla-Roukh. En général, la Dame blanche est exécutée avec beaucoup d’ensemble, et, le théâtre de l’Opéra-Comique marche de succès en succès.

Malgré les discussions bruyantes et pénibles qui se sont élevées cet été entre les propriétaires de la salle Ventadour et M. Calzado, le Théâtre-Italien a ouvert ses portes au jour fixé par les règlemens, le 2 octobre. C’est la Norma de Bellini, faiblement exécutée, qui a fait les frais de cette première soirée, qui n’est pas de bon augure pour les plaisirs qu’on nous promet. Quelques jours après, on a donné la Cenerentola avec un personnel insuffisant et une exécution malheureuse. Excepté Mme Alboni, dont la bonne mine et l’admirable voix n’inspirent nullement la pitié, tout le reste était misérable. Un petit ténor, qui vient on ne sait d’où, a débuté dans le rôle de Ramiro. C’est un écolier que M. Vidal, et sa petite voix de ténor, qui ne manque pas de timbre, a grand besoin d’être exercée sous la surveillance d’un maître habile. À ce prix, et en confinant ce tenorino espagnol dans les rôles secondaires, il peut être utile. Ni M. Zucchini dans le rôle de don Magnifico, ni M. delle Sedie dans celui de Dandini, ne sont complètement suffisans ; quant aux deux femmes qui ont représenté les deux sœurs de Cendrillon, elles ont été assez habiles pour chanter faux toute la soirée et pour gâter l’effet de l’admirable sextuor du second acte, — Quest’ è un noddo avvilupalo. — Ah ! si j’en avais le loisir, que je serais heureux de prouver ici aux vieux rhéteurs et aux moralistes transis que la raison a peu à faire dans l’invention des choses délicates de l’art, et qu’on peut faire un chef-d’œuvre sur l’air ah ! vous dirai-je, maman ! — Le grand sextuor de la Cenerentola, le finale du premier acte du même ouvrage, le finale de