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des instructions pour une négociation spéciale ; elle était donc dans tous ses termes la formule délibérée et voulue de la politique du gouvernement impérial. La négociation a eu son cours : elle a échoué auprès du saint-père ; il n’y avait plus place qu’à la réalisation de la réserve finale indiquée dans la dépêche du ministre, ou à l’abandon permanent ou momentané de cette réserve. En présence de ce dilemme, l’empereur a fait son choix : il n’a pas voulu aller jusqu’à la conséquence extrême de la négociation engagée en son nom. On était arrivé au saut-de-loup qui coupait la voie que l’on avait suivie. On juge prudent de revenir sur ses pas, de prendre le chemin divergent : ce chemin n’aura probablement pas une meilleure issue, soit ; mais à quoi bon équivoquer, et se donner à plaisir la berlue pour affirmer que nous sommes toujours sur la même route ?

Serait-ce parce que le nom de la politique n’a pas changé et que nous la nommons toujours la politique de la conciliation ? Avant tout, nous ferons remarquer qu’une telle dénomination peut s’appliquer aux intentions honnêtes du gouvernement français bien plus qu’à ses propositions pratiques. Notre dessein est d’être concilians, soit, et il serait malséant de mettre en doute notre bonne volonté déclarée ; mais les plans que nous proposons et les moyens d’action dont nous nous servons sont-ils vraiment de nature conciliatrice ? La chose vaut la peine d’être examinée un instant, bonnement et simplement, en faisant appel au plus simple bon sens. Comment réussit-on à concilier des prétentions contraires ? Évidemment en cherchant les points communs sur lesquels ces prétentions cessent d’être absolues, et peuvent par conséquent se rencontrer sans s’entre choquer. Qu’avons-nous fait cependant et que faisons-nous dans nos tentatives de conciliation entre le pape et l’Italie ? Une de ces tentatives, aujourd’hui épuisée, est celle qui vient d’aboutir à la retraite de M. Thouvenel ; l’autre, qui va commencer sans doute, est confiée à la direction de M. Drouyn de Lhuys. La première s’était adressée à la cour de Rome ; la seconde, suivant toute probabilité, aura pour objet le cabinet de Turin. Or à Rome et à Turin nous n’offrons et n’avons à offrir, bizarres conciliateurs que nous sommes, que des choses que la papauté et l’Italie repoussent absolument et nécessairement, si bien que nous courons le péril ou de passer pour trop naïfs en comptant sur le succès de nos négociations, ou d’avoir l’air d’être trop peu généreux en allant au-devant de refus qu’il ne nous est guère permis de ne pas prévoir. Nous sommes allés demander à Rome que le pape sanctionnât passivement les retranchemens qui ont été faits au domaine temporel en se réconciliant avec l’Italie, par qui et au profit de qui ces retranchemens ont été accomplis, et nos instances ont eu le sort que tout le monde connaît, que l’on pouvait d’avance tenir pour inévitable. Maintenant qu’allons-nous dire à l’Italie ? Il y a là une vieille circulaire du général Durando qui attend une réponse que M. Drouyn de Lhuys, à l’heure qu’il est, doit avoir rédigée et probablement expédiée. Ce document, bien mieux que la circulaire publiée par le Moniteur, établira la politique du nouveau