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d’y trouver une Bible dans sa chambre à coucher ; en voyage, on en verra de même sur toutes les tables des bateaux à vapeur ; on en voit jusque dans les stations de la lointaine et pénible route de Californie ; les écoles ont les leurs, les casernes également, personne n’échappe à la pieuse et infatigable propagande. Que l’on ne croie pas que cette activité soit l’apanage exclusif des États-Unis ; elle règne partout où fonctionne quelqu’une de ces institutions, et chaque société agit si bien dans la mesure de ses moyens, qu’en cinquante-huit ans 66 millions de Bibles et de Testamens ont été ainsi distribués. Là-dessus, la part de l’association américaine a été de 15 millions, celle de la société-mère à Londres de 37. Toutes les langues du globe étaient représentées dans les magasins de New-York ; il y en avait du moins jusqu’à trente-trois. Le pauvre Esquimau sous les glaces du pôle participe à ces largesses, comme le Tsigane sous sa tente nomade, le Kanack dans les nids de verdure de l’Océan-Pacifique, ou le Persan au sein des ruines d’une société disparue. L’aveugle lui-même n’a pas été oublié, et cela malgré le prix élevé de ses Bibles en relief qui reviennent à 100 francs l’une. Pendant l’année 1861, il était sorti de ces magasins 721,878 volumes. L’année 1860 avait été meilleure et l’emportait de 32,000 volumes ; mais là aussi la guerre qui divisait le pays avait fait sentir sa triste influence, et c’était beaucoup même que la différence n’eût pas été plus sensible. Le langage de la grande famille anglo-saxonne vient naturellement en première ligne dans ce total imposant, et 650,240 volumes lui sont réservés. Ce qui reste eût pu former la bibliothèque de la tour de Babel. La part du français se montait à 7,557 volumes, mais ce n’est là qu’un simple détail, car les sociétés protestantes qui fonctionnent chez nous ont mis en circulation près de 1,200,000 Bibles et Nouveaux-Testamens depuis leur fondation, et le dépôt qu’a établi à Paris la société anglaise, doyenne de toutes les autres, en a fait autant pour 3,695,062 volumes des saintes Écritures.

À côté des sociétés bibliques viennent se placer les sociétés, de petits traités (Tract Societies), qui ne sont pas moins curieuses. À coup sûr, on ne peut nier que leur but ne soit des plus louables et leurs intentions excellentes ; mais elles représentent trop souvent l’exagération du protestantisme, et à ce titre on ne saurait, malgré un zèle égal, les placer au même niveau que les précédentes. La mission qu’elles se sont donnée consiste dans la publication de certains journaux de controverse, surtout dans la propagation à l’infini de brochures lilliputiennes qui sont les tracts proprement dits, de feuilles volantes de la taille des diverses enveloppes de lettres, d’autres feuilles semées au hasard dans les lieux publics, etc. le rapport d’une de ces sociétés montre que pour 309,000 fr. elle