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en nous faisant parcourir son atelier, où une centaine de condamnées, revêtues de la livrée de la maison, travaillaient à faire de l’étoupe ; si vous étiez venu la semaine dernière, je vous aurais montré trois cents femmes dans ce même atelier ! » Où l’amour-propre va-t-il se nicher ? En revenant le soir sur le même vapeur avec les détenus dont la peine était expirée, j’eus la curiosité de les suivre lorsqu’ils mirent pied à terre : sans hésitation, tous se dirigèrent vers les débits de liqueurs les plus voisins du débarcadère. Il n’y eut pas une exception.

La munificence privée de l’Américain ne s’exerce pas seulement sur des œuvres de charité, et c’est à elle que New-York doit presque la totalité des institutions scientifiques et littéraires que la ville possède. Chez nous, l’état est le conservateur naturel de ces établissemens, musées, galeries, bibliothèques : il a charge de les fonder et de les enrichir, et certes il vaut mieux qu’il en soit ainsi ; mais, dans un pays où le gouvernement s’impose pour loi de réduire les dépenses publiques au minimum, il est beau de voir l’individu substituer son initiative à celle de l’état, afin de doter ses concitoyens des trésors intellectuels que leur refuse une parcimonie systématique. La plus importante de ces collections est la bibliothèque fondée par M. Jacob Astor et agrandie par son fils, laquelle réunit près de 100,000 volumes, logés dans un véritable palais. Une autre est spécialement destinée aux jeunes gens employés dans le commerce ; commencée avec 700 volumes en 1836, elle en compte aujourd’hui plus de 50,000. Une autre s’adresse plus particulièrement aux ouvriers ; quelques-unes enfin sont historigu.es, médicales, théologiques, etc. L’institut créé par M. Cooper contient à la fois une galerie de tableaux, une académie de dessin, une bibliothèque, un salon de lecture recevant les principales publications périodiques de tous les pays, et une faculté où se professent des cours divers. Il a coûté trois millions au fondateur, qui vit encore pour jouir de son œuvre ; mais la liste serait trop longue, et il faut se borner à dire quelques mots de l’un des plus curieux de ces établissemens, curieux pour nous du moins, qui n’avons rien d’analogue en France.

La première en date des associations formées pour la propagation des Écritures saintes fut organisée à Londres en 180A : elles se sont depuis lors multipliées à l’infini dans tous les pays protestans ; mais la seconde en importance est sans contredit Y American Bible Society de New-York, qui remonte à 1816. Le siège en est au centre de la ville, dans un vaste édifice où 600 personnes sont occupées à imprimer, relier, distribuer et expédier journellement dans toutes les parties du monde des milliers de Bibles et de Nouveaux-Testamens. Quel que soit l’hôtel où l’on va chercher un gîte, on peut être assuré