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les classes de la société sont en effet représentées sur ces bancs, on le reconnaît à la mise des enfans, et néanmoins il est impossible de ne pas être frappé de leur bonne tenue à tous, si jeunes qu’ils puissent être. De l’école de grammaire des garçons, nous passâmes à celle des filles, que nous trouvâmes fort amusées de la lecture qu’un professeur de déclamation leur faisait de la comédie des Rivaux, de Sheridan. On voyait là de grandes jeunes personnes de dix-huit à vingt ans, car aux États-Unis l’éducation se continue pour les femmes plus longtemps que pour les hommes, à qui le comptoir de la maison de commerce offre ses tabourets des l’âge de quinze ans. Ici encore il était évident que ces jeunes filles appartenaient aux divers degrés de l’échelle sociale, bien que ce trait fût moins accusé que chez les garçons. À la lecture des Rivaux succédèrent des exercices dits callisthéniques, sorte de gymnastique assez improprement appelée dans nos pensionnats » leçons de maintien. » Le piano jouait une vingtaine de mesures d’un air que toutes les jeunes écolières accompagnaient du même geste en cadence, l’air changeait et le geste avec lui, et l’on finit par évacuer la salle au moyen d’une danse qui rappelait assez la dernière figure du quadrille des Lanciers.

Je ne conduirai pas le lecteur dans toutes ces écoles, et ne parlerai que de l’une d’entre elles, qui me fut signalée comme la plus vaste des États-Unis. Mon guidé avait réservé pour elle son speech de derrière les fagots. Je servis naturellement de fil à ce discours, dans lequel j’étais censé parler par procuration, et où il fut fort question de liberté et de tyrannie, mais d’études pas un mot. Je fus présenté comme un ardent admirateur des institutions américaines. Les vieilles traditions de l’enseignement européen furent traitées comme mérite de l’être tout instrument monarchique ; l’éducation new-yorkaise fut portée aux nues, et la guerre, qui préoccupait tous les esprits, eut également sa place Ces paroles à la vérité s’adressaient aux garçons de l’école de grammaire, c’est-à-dire presque à des citoyens. Le discours de l’école primaire fut un apologue plein de finesse et de naïveté, beaucoup plus à la portée des jeunes auditeurs ; parfois le récit amenait des questions auxquelles le chœur des voix enfantines répondait par un yes, sir ! ou un no sir ! dont l’ensemble montrait avec quelle attention le narrateur était suivi. Survint enfin le coup de théâtre qui surprend toujours le visiteur dans les vastes salles de réunion de ces écoles primaires, où il peut arriver que les enfans se comptent par milliers. On ne voit d’abord qu’une enceinte de la même dimension qu’aux étages supérieurs. Dès que les élèves y sont rangés, à un signal donné la cloison du fond, formée de panneaux à coulisses disparaît ; la salle se double comme par enchantement, et l’on aperçoit une mer de