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Ward sckool n° 11, renfermait dans le même édifice une école primaire et les écoles de grammaire des deux sexes. Cette réunion sous le même toit est fréquente, et dans ce cas le plan de l’édifice est invariable : trois étages figurent l’échelle des âges, les garçons en haut, les filles au milieu, et les enfans au rez-de-chaussée. Au centre de chaque étage, une vaste salle sert aux réunions générales, et tout autour sont les différentes classes. Rien de monumental, mais partout cette exquise recherche de propreté qui est un véritable luxe, et dont l’influence sur les enfans est bien plus grande qu’on ne se le figure. Mon guide me fit monter au troisième étage, dans la salle de réunion. Il était neuf heures du matin ; le travail de la journée allait commencer pour finir à trois heures de l’après-midi, car ces écoles ne comportent que des externes. Sur l’estrade où nous prîmes place étaient un bureau, un piano et une vingtaine de boutons de sonnettes correspondant aux différentes classes. Le directeur les toucha, attendit quelques instans, puis fit sonner un timbre. À ce signal, une institutrice placée au piano attaqua la marche nationale, et, des la première mesure, des huit portes placées aux quatre angles de la salle débouchèrent huit files de garçons, se suivant par rang de taille, qui vinrent prendre place derrière les bancs avec une cadence et une régularité dignes de vieux soldats. D’autres files vinrent ensuite occuper les couloirs, et le défilé continua jusqu’à ce que 500 enfans environ se fussent ainsi rangés le plus régulièrement du monde. Le piano s’arrêta, le timbre sonna, et l’on s’assit ; un régiment du grand Frédéric n’eût pas mieux manœuvré.

La séance s’ouvrit par la lecture d’un chapitre de la Bible, puis vinrent divers chœurs et quelques déclamations, après quoi M. Finch, se penchant vers moi, me demanda si je voulais adresser la parole aux élèves. Cette partie du programme me prenait au dépourvu. J’avais oublié que le speech s’est élevé aux États-Unis à la hauteur d’une institution, qu’il y fait partie de toutes les solennités, de toutes les fêtes, qu’il y est entré dans l’éducation, et que, s’il a pris naissance en Angleterre, ce n’est qu’en Amérique qu’on le voit atteindre son plein développement. M. Finch se chargea de m’excuser et de me présenter. Pendant dix minutes environ, et beaucoup mieux, à coup sûr, que je n’eusse pu le faire, même avec préparation, il parla en mon nom à ces écoliers, dont le plus âgé n’avait pas quinze ans, et qu’il appelait, non pas jeunes élèves, mais messieurs, gentlemen ; puis l’on se retira dans le même ordre qu’à l’arrivée, et nous pûmes admirer l’excellente installation des classes. Livres, papier, plumes, tout le matériel sans exception est fourni gratuitement aux élèves, et cela dans une double intention : économie pour les pauvres, pied d’égalité absolue pour les riches. Toutes