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chez nous est une application de la loi générale ? Il faut se rappeler que, si les États-Unis sont comme l’Angleterre un pays de liberté, le côté démocratique de leurs institutions diffère essentiellement des tendances aristocratiques où la Grande Bretagne puise sa force. Or quel instrument plus démocratique en réalité.que l’enseignement ? L’abandonner à la merci de chacun, dans le bouillonnement de formation d’une société nouvelle, en avait-on le droit, et n’était-ce pas un devoir au contraire de le prendre en main, pour l’utiliser dans le sens indiqué par la constitution que le peuple s’était donnée ? Ainsi raisonna l’Américain, et le résultat lui fut favorable, car son pays est peut-être le seul dont aujourd’hui on puisse dire presque sans exception que chacun y sait lire et écrire. Seulement cette charge qu’il remettait à la communauté, il ne permit pas que le gouvernement fédéral la centralisât, il ne permit pas même que l’état en fût investi, et je parle ici des divers états dont l’ensemble constitue la fédération ; mais il se souvint de son vigoureux régime municipal, dont les bienfaits sont le legs le plus précieux de l’Angleterre à son ancienne colonie, et il voulut que l’enseignement fût la première et la plus importante préoccupation de la commune. Les écoles de New-York lui appartiennent donc en propre, et elles sont la gloire de la ville, gloire malheureusement trop modeste, et trop peu connue, trop peu appréciée de l’Américain lui-même.

L’organisation de cet enseignement est des plus simples. Au premier degré vient l’instruction primaire, comprenant la lecture, l’écriture, quelques élémens d’arithmétique et de géographie. Quatre années sont consacrées à ces études, que les enfans ont généralement terminées à l’âge de dix ans. Des écoles primaires on passe aux écoles, dites de grammaire, dont le programme embrasse sept classes successives, et présente un ensemble de connaissances à la rigueur suffisant, mais fort inférieur à celui que l’on emporte de nos lycées. Ainsi les langues mortes y sont supprimées, les mathématiques s’y réduisent à l’arithmétique et à un peu d’algèbre ; l’histoire nationale est la seule dont il soit question. Le but des écoles de grammaire en effet est de donner une instruction assez complète pour pouvoir aborder toutes les professions usuelles du pays, et de s’adresser à la masse des enfans, quelle que soit la position sociale des familles. On verra que ce but a été pleinement atteint. Enfin le troisième degré d’enseignement est reçu dans un établissement unique nommé l’académie libre (the free academy), où l’on n’est admis qu’à la condition d’avoir suivi au moins pendant une année les cours d’une école de grammaire. Les études y embrassent cinq classes dites introductory, freshman, sophomore, junior et senior, dans lesquelles les élèves ont à choisir entre les langues mortes,