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dans le Nord Scandinave. Faut-il cependant condamner de telles entreprises dans notre temps ? Non sans doute, car elles peuvent, sérieusement abordées et conduites, sous la garantie protectrice de la raison et de la critique modernes, servir au progrès de la science, alors même qu’elles n’atteindraient pas leur but particulier. C’est ce qu’on peut dire en tout cas du livre de M. Nilsson, et peut-être aussi d’une recherche à peu près analogue tentée par un professeur de l’université de Christiania, M. Holmboe, en 1857, sous ce titre : Traces du bouddhisme en Norvège avant l’introduction du christianisme. — On ne saurait, à la vérité, prédire à l’archéologie scandinave des destinées aussi brillantes que celles de l’archéologie égyptienne ou assyrienne. Toutefois, quand on songe à la part d’influence que les peuples germaniques ont prise dans la formation de nos sociétés, on arrive à se convaincre que la science capable d’éclairer leurs origines est d’un grand prix, et on se rappelle qu’il s’agit de nos origines à nous-mêmes. Bien plus, fort au-delà des temps où se cache le berceau du moyen âge, l’archéologie Scandinave nous a fait pressentir et nous a déjà presque livré la révélation d’âges primitifs et anté-historiques qui ont dû être communs à toute l’humanité ; elle s’est acquis par là un singulier relief en venant au secours non-seulement de l’histoire, mais d’autres sciences encore, comme l’ethnographie et l’anthropologie. Qu’elle veuille, en présence d’une mission si haute, faire appel à une scrupuleuse prudence, on ne peut qu’y applaudir en rendant justice à des archéologues tels que ceux qui composent l’école actuelle du Danemark ; mais on doit lui permettre aussi les perspectives lointaines et systématiques quand elles s’autorisent d’un nom illustre comme celui de M. Nilsson. Dans une grande partie de l’Europe et particulièrement dans le Nord, le sol encore imparfaitement fouillé, les textes encore mal interprétés, peuvent nous préparer de nombreuses surprises. Il est bon qu’à mesure que se multiplient les études de détail, certaines vues d’ensemble viennent encourager et peut-être guider les plus patiens explorateurs. La Suède, dont le génie se montre facilement épique, pourrait bien convenir à ce rôle à la fois brillant, utile et périlleux.


A. GEFFROY.